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les manufactures russes, qui donneront évidemment les meilleurs résultats avec l’émancipation des serfs et l’établissement des chemins de fer.

L’agriculture est la grande source des industries nationales[1]. L’industrie du chanvre et du lin, qui se place au premier rang, occupe aussi le plus de bras en Russie, car elle s’exploite pour ainsi dire en famille. Les paysans se servent de toile pour leurs vêtemens, le linge de coton est encore fort peu répandu, et seulement parmi le peuple des villes. Quatre millions et demi d’ouvriers environ vivent de cette industrie, surtout pendant le chômage des travaux agricoles.

L’industrie des cuirs entretient quatre cent mille ouvriers. Une grande partie des habitans portent des vêtemens de peaux de mouton pendant une moitié de l’année. Les peaux forment du reste un grand article d’exportation, qui s’élève annuellement à plus de 2 millions de kilos. Toutefois cette branche d’industrie perd beaucoup de sa valeur par la négligence qu’on apporte dans le dépouillement des animaux : on n’insuffle pas les cadavres, et les peaux sont souvent crevées par le couteau des ouvriers. L’industrie du suif et de la graisse, provenant particulièrement des animaux abattus en automne, est l’une de celles qui rapportent le plus à l’agriculture des terres noires. L’exportation s’élève au chiffre annuel de 60 millions de francs, et on estime que les industries nationales de savonnerie, de stéarine, etc., s’exercent sur une valeur brute égale à celle de l’exportation.

La fabrication des draps, qui semblait devoir prospérer dans une contrée essentiellement agricole, n’a pas donné tous les résultats qu’en attendaient les propriétaires; beaucoup d’usines sont actuellement fermées. Les produits sont pourtant de belle qualité, et le gouvernement les protège par le tarif douanier et par des traités de commerce avec les nations asiatiques, surtout avec la Chine. Environ trois cent mille ouvriers sont employés à cette industrie, qui rapporte annuellement 200 millions de francs.

La difficulté de transporter les grains, le bas prix des céréales dans les années d’abondance, l’avantage de consommer sur place des produits qui laissent un résidu favorable pour les bestiaux, et l’exploitation avantageuse des forêts, sans valeur il y a trente ans faute de débouchés, toutes ces raisons engagèrent les seigneurs à établir des distilleries sur leurs terres. De grands bénéfices furent réalisés, surtout par ceux qui introduisirent les premiers appareils

  1. On peut en juger par le tableau suivant, qui représente l’échelle des principales industries de l’empire: 1° chanvre et lin, 2° cuirs et applications, 3° coton, 4° fer, 5° laines, 6° distillation des grains, 7° suif et graisses, 8° tabacs indigènes et exotiques, 9° soies et applications, 10° cuivre, 11° orfèvrerie et bijouterie, 12° sucre de betteraves, 13° papeterie, 14° briqueterie.