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ou ceux de même espèce cultivés en Russie se vendent plus cher que les meilleures espèces de tabacs d’Amérique en France. Le commerce du tabac est encore alimenté par la contrebande, très difficile à réprimer dans un empire qui a plus de six mille lieues de frontières.

Le mûrier blanc peut prospérer dans les provinces méridionales, et surtout en Crimée; mais on n’a fait que d’insignifiantes tentatives pour y introduire la culture du ver à soie. Dans les provinces russes du Caucase, cette culture est au contraire la source d’une prospérité remarquable. Les soies de France et d’Italie, qui sont indispensables à l’industrie indigène pour l’établissement des soieries de bonnes qualités, arrivent toutes filées. Cette importation a lieu par la Prusse et les villes libres d’Allemagne, et non directement par les états producteurs. La valeur des soies filées est des quatre-vingt-cinq centièmes de l’importation étrangère. Cette industrie occupe quarante mille ouvriers.

La fabrication du sucre de betteraves convenait parfaitement à la Russie, qui n’a pas de colonies, et dont le territoire est éminemment propre à la culture de cette racine. Il existe en ce moment dans la zone des terres noires plus de quatre cents usines en activité. Les sucreries indigènes ont rendu au pays le double service de lui assurer une denrée de première nécessité et de modifier avantageusement l’assolement triennal. Dans tous les pays d’Europe où la culture des racines s’est emparée de l’assolement, le nombre des bestiaux s’est accru, et la production des céréales a suivi une marche proportionnelle. Enfin la fabrication du sucre de betteraves procure du travail à des milliers d’ouvriers aussi bien à l’époque des travaux agricoles que pendant la saison d’hiver, où les autres occupations sont forcément interrompues. Le gouvernement n’a pas méconnu ces avantages, et la protection qu’il accorde aux fabricans de sucre équivaut à 100 pour 100 de la valeur du sucre colonial. Le chiffre élevé de cette protection indique pourtant que cette industrie n’a pas encore atteint son plus grand développement. On estime la consommation annuelle du sucre en Russie à 60 millions de kilos, et l’industrie indigène fournit environ la moitié de cette quantité. On doit admirer la blancheur et la bonne fabrication du sucre russe. Chose étonnante, dans un pays où de toute l’Europe la consommation du sucre atteint le moindre chiffre par tête d’habitant, le sucre raffiné doit être de la^3lus grande pureté pour trouver un débit certain. Cette exigence des consommateurs tient à deux causes : la première, c’est que les classes aisées seules consomment ce produit; la seconde provient de l’usage du thé. La plupart des buveurs de thé ne laissent pas fondre le sucre dans l’infusion, mais ils le mettent dans la bouche par petits morceaux, et ils boivent ainsi le liquide, qui s’édul-