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l’édifice était près de crouler par la mort de sa fille Suzanne. Ce qu’avaient fait tous les grands feudataires du royaume, ce qu’avaient fait tous les princes du sang royal, lorsqu’ils étaient en opposition d’intérêt avec la couronne, ce qu’avaient fait récemment encore les ducs de Bourgogne, les ducs de Bretagne et Louis XI, n’étant que dauphin, et ce qui devait se faire pendant tout le cours du XVIe et jusqu’au milieu du XVIIe siècle par les rois de Navarre, les ducs d’Orléans et les princes de Condé, elle le conseilla au connétable son gendre avant de mourir. «Mon fils, lui avait-elle dit, considérez que la maison de Bourbon a été alliée de la maison de Bourgogne, et que durant cette alliance elle a toujours fleuri et été en prospérité. Vous voyez à cette heure ici les affaires que nous avons, et le procès que on vous met sus ne procède que à faute d’alliance. Je vous prie et commande que vous preniez l’alliance de l’empereur. Promettez-moi d’y faire toutes les diligences que vous pourrez, et j’en mourrai plus contente[1]. » Le connétable n’eut pas de peine à suivre un conseil qu’Anne de France croyait conforme à son intérêt, et que lui suggérait sa propre passion.

Dès l’été de 1522, dans la seconde campagne sur la frontière de France et des Pays-Bas, il ouvrit à ce sujet une négociation secrète par l’entremise du sénéchal de Bourbonnais, d’Escars, seigneur de La Vauguyon, La Coussière, La-Tour-de-Bar, etc., et capitaine de cinquante hommes d’armes. Enfermé dans Thérouanne, qu’assiégeaient les impériaux, d’Escars demanda à Chabot de Brion, l’un des favoris de François Ier, et qui commandait la place attaquée, la permission d’aller conférer avec Adrien de Croy, seigneur de Beaurain, second chambellan de Charles-Quint, pour l’échange d’une terre qu’il possédait en Flandre[2]. Sous prétexte de cet échange, il instruisit alors Beaurain des sujets de mécontentement qu’avait le connétable, et de l’intention où il était d’accepter les anciennes offres de l’empereur. Le connétable ne désirait pas seulement de s’allier à Charles-Quint, il proposait de se révolter contre François Ier. Victime de l’injustice royale, il se présentait comme le futur libérateur du pays. Il s’élevait contre le gouvernement désordonné, arbitraire, onéreux, d’un prince plongé dans les plaisirs, livré aux emportemens de ses passions, et il se disait résolu à réformer l’état et à redresser l’insolente conduite du roi, qui accablait le royaume,

  1. Déposition de l’évêque d’Autun, f. 230.
  2. Déposition de Perot de Wartliy du 17 septembre. — Ibid., f. 37 V et 38 r°. « This overture was now of late renowed, under colour of a subtile and craftie practise, by a capitain being now in Tirwen (Tbérouanne) named Mr de Cares (d’Escars), etc. » Instructions données par Henri VIII à Th. Boleyn et à Richard Sampson, envoyés auprès de l’empereur en octobre 1522. — State Papers, t. VI, part, v, p. 104, London, in-4o, 1849.