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concevoir les lui firent reprendre ou poursuivre. Il donna l’ordre de fortifier et de munir de canons, de poudre et de vivres ses deux principales places, Chantelle et Cariât[1]. Il se livra à des préparatifs mystérieux dans ses états. Il avait mandé auprès de lui le capitaine La Clayette, qui commandait sa compagnie d’hommes d’armes, et le capitaine Saint-Saphorin, qui avait servi sous ses ordres en Italie et devait lever quatre mille fantassins dans le pays de Vaud et le Faucigny[2]. Il fit partir pour la Savoie Antoine de Chabannes, évêque du Puy, chargé de demander au duc son parent de se déclarer en sa faveur[3]. Une troupe de mille hommes de pied devait être introduite dans Dijon par Aymard de Prie, qui y tenait garnison avec ses gens d’armes[4]. Le connétable, le jour où il se déclarerait, comptait entraîner dans sa révolte deux mille gentilshommes dont il assurait avoir la parole[5]. Il écrivit à deux jeunes seigneurs normands qui avaient servi sous ses ordres et qu’il avait comblés de ses générosités et de ses bonnes grâces, à Jacques de Matignon et à Jacques d’Argouges, de se rendre à Vendôme, où Lurcy, son agent infatigable, leur ferait une communication de sa part[6]. Il espérait les gagner aisément à son entreprise et faciliter, avec leur aide, la descente de l’armée anglaise en Normandie et l’occupation de cette province par Henri VIII. Le corps malade et l’âme agitée, il partit ensuite de Montbrison en litière[7], et il retourna lentement à Moulins attendre que tous ces ressorts jouassent à la fois, après que François Ier aurait passé les Alpes et serait allé reconquérir le duché de Milan, en laissant son royaume exposé à l’invasion et prêt à la révolte.

  1. « Le dict seigneur a retiré dedans deux fortes places force vivres et artillerye, c’est assavoir dedans Chantelle et dedans Carlat et en chacune d’icelles a mis cinquante ou soixante hommes. » Lettre du capitaine de La Clayette à la duchesse d’Angoulême. Mss. Dupuy, f. 114 r°.
  2. « Le capitaine Saint-Saphorin fut à Montbrison cet esté passé cependant que le connestable y estoit, alors que la monstre fut faicte de la compagnie du dict connestable. » — Déposition de Baudemanche du 28 novembre. — Ibid., f. 254 r°. — Le connétable envoya l’archer Baudemanche le 31 août auprès de Saint-Saphorin et lui dit : « Allez-vous-en devers luy et sachez si les quatre mille hommes sont prêts et en quelle sorte ils veulent être payés, combien d’argent il lui fauldra. » — Déposition de Baudemanche du 23 septembre. — Ibid., f. 38 v°.
  3. Interrogatoire de l’évêque du Puy du 6 et 7 septembre. — Ibid., f. 11 r°; du 21 octobre, f. 185 r°.
  4. « Messire Aymar de Prye devoit mestre mil hommes de pied dedans Dijon, et en mestre dehors Beaumont son lieutenant, pour après mestre la dite ville es mains du connestable. » — Déposition de d’Argouges, d’après Lurcy. — Ibid., f. 6.
  5. Dépositions de l’évêque du Puy, f. 183 r° et 189 r°, n" 484.
  6. Dépositions de d’Argouges et de Matignon. — Ibid., f. 5 v° et 7 r°.
  7. Déposition de l’évêque d’Autun. — Ibid., f. 22 r°.