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tant de difficulté de venir le joindre, qu’il ne lui avait déclaré à Moulins que la moitié de ce qu’il savait parce qu’il ne supposait pas le reste vrai, car sans cela il l’aurait fait arrêter, comme il en avait le moyen. Il l’engageait à songer à son honneur et à son bien, et le pressait de se justifier. Il ajoutait que, s’il y parvenait, personne en son royaume n’en serait plus aise que lui, et s’il restait quelque chose à sa charge, il userait plus en son endroit de miséricorde que de justice[1]. Il fit marcher en même temps vers le Bourbonnais son oncle le bâtard de Savoie, grand-maître de France, et le maréchal de La Palisse, Jacques de Chabannes, à la tête de quelques mille hommes de pied et de quatre ou cinq cents chevaux pour s’emparer du connétable, s’il n’obéissait point.

Bien que ses desseins fussent découverts, Bourbon n’y avait pas renoncé. Il avait ordonné des levées dans ses états. Il avait convoqué la noblesse à Riom pour l’arrière-ban. Le 31 août, jour même où il s’était mis en route en feignant d’aller à Lyon, il avait envoyé l’un de ses serviteurs, l’archer Baudemanche, au capitaine Saint-Saphorin, qui avait servi dix ans dans sa compagnie, afin de savoir si les quatre mille hommes qu’il devait lever pour lui dans le pays de Vaud et dans le Faucigny étaient prêts à se mettre aux champs[2]. Pendant la nuit du 6 septembre, lorsqu’il revenait sur ses pas, il avait reçu secrètement à Gayete sir John Russell, parti d’Angleterre avec le secrétaire Château et le capitaine Loquingham et muni des pouvoirs de Henri VIII[3]. Lallière était allé le chercher à Bourg en Bresse[4] et l’avait conduit, non sans risque, au centre de la France, où le connétable avait traité avec lui, après l’arrestation de ses complices à Lyon, et lorsque les troupes du bâtard de Savoie et du maréchal de La Palisse s’avançaient pour le prendre. Dans cette nuit du 6 au 7 septembre, une ligue offensive et défensive, semblable à celle qui avait été conclue à Montbrison entre Charles-Quint et le duc de Bourbon, fut conclue à Gayete entre le duc de Bourbon et Henri VIII. Il fut convenu que le roi d’Angleterre ferait descendre son armée en Picardie, comme l’empereur conduirait la sienne en Languedoc, qu’il fournirait les cent mille écus destinés au paiement partiel des lansquenets du connétable, qui de son côté aiderait le roi d’Angleterre et l’empereur dans leur invasion de la France et attaquerait François Ier, avec lequel il ne s’accorderait pas plus sans eux qu’eux ne feraient la paix sans lui. Bourbon ne consentit point en-

  1. Déposition de Warthy, ibid.
  2. Déposition de Baudemanche du 23 septembre. — Ibid., f. 38 v°.
  3. Instructions et pouvoirs de sir John Russell. Mss. Brit. Vespas., c. II, 66, et State Papers, t. VI, p. 163 à 160.
  4. Lettre de Château à de Praet. Ibid., Vespas., c. II,, 165.