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ses avances, les formalités préliminaires prendront toujours beaucoup de temps, et si l’on arrive à mettre en culture un millier d’hectares par an, ce sera beaucoup. À ce compte, il faudrait trois mille ans pour défricher les communaux incultes, dont l’étendue s’élève, d’après le rapport des trois ministres, à 3 millions d’hectares.

Suivant toute apparence, quand ce projet aura été mieux étudié dans ses détails, le gouvernement sera amené à y renoncer. Il est beaucoup plus simple de vendre les communaux sans se donner la peine de les cultiver. Ce dernier système, préconisé de tout temps par les économistes, a cet avantage qu’en vendant leurs terrains, les communes en touchent le prix et peuvent l’appliquer à leurs besoins, tandis que le projet des trois ministres leur enlève, dans certains cas, la moitié de leur propriété.

Dès qu’il s’agit de l’agriculture, tout prend bien vite de telles proportions, que l’intervention directe de l’état, si puissant qu’il soit, s’y montre encore plus faible et plus imperceptible qu’ailleurs. L’état peut quelque chose sur des points isolés et perdus dans l’immensité du territoire ; il ne peut rien sur l’ensemble que par des mesures générales, qui n’agissent qu’indirectement. Telle est en première ligne l’extension des communications, il faut toujours en revenir là. Il n’y a pas de somme employée par l’état sur un point donné, en travaux de culture, qui ne puisse être plus utilement consacrée à faire un chemin. Supposons donc qu’au lieu d’affecter 10 millions au défrichement, l’état les distribue entre tous les départemens pour y hâter l’exécution des chemins vicinaux; à raison de 120,000 fr. par département, ce secours se fera sentir sur tous les points à la fois, principalement sur ceux qui, d’après le dernier rapport de M. Le ministre de l’intérieur, ne pourront pas terminer avant un siècle leurs chemins commencés. Sur un total de 83,000 kilomètres de chemins vicinaux à l’état d’entretien, 58,000 se trouvent dans 43 départemens, et 25,000 seulement dans les 43 autres. Si les premiers ne sont pas encore suffisamment pourvus, que faut-il penser des seconds?

Le nouveau programme soulève enfin une grande difficulté, celle des voies et moyens. Réduire les recettes du trésor de près de 100 millions, augmenter les dépenses de 50 millions au moins, en présence d’un budget où les dépenses ont déjà excédé les recettes de 2 milliards et demi depuis cinq ans, cette conduite ne se comprendrait pas, si l’ensemble des dépenses ne devait se réduire en même temps de manière à rentrer dans l’équilibre, ou du moins à s’en rapprocher. La réduction indispensable ne peut s’opérer que sur les dépenses militaires. Les deux ministères de la guerre et de la marine ont absorbé 900 millions par an dans ces derniers temps.