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la partition. C’est au quatrième acte que se trouve à notre avis le meilleur morceau de tout l’ouvrage : nous voulons parler de la sérénade que chante Gil Blas à la porte d’une auberge en s’accompagnant de la mandoline. Le refrain surtout a une morbidesse et une couleur vraiment espagnoles dans la bouche de Mme Ugalde. Nous pourrions encore citer au cinquième acte un chœur pour voix d’hommes en mouvement syllabique et la romance, d’un accent attendri, que chante Gil Blas, qui ne cesse de chanter et d’abuser de la permission.

À vrai dire, l’opéra de Gil Blas est plutôt une collection de couplets, d’ariettes plus ou moins piquantes, destinés à servir à l’exhibition du principal personnage qu’une œuvre dramatique qui puisse rester longtemps au théâtre. La partition de M. Semet n’est pas moins décousue et composée de pièces et de morceaux que le libretto informe qui lui a servi de thème. Il manque évidemment à M. Semet, qui rencontre parfois d’assez jolis motifs, l’art de les développer et de les compléter par des accessoires bien choisis. On sent que, dans les morceaux d’ensemble surtout, l’auteur de Gil Blas est embarrassé des personnages qui posent devant lui, et qu’il ne sait trop comment les grouper dans une idée mère qui n’étouffe pas l’individualité des caractères. En un mot, M. Semet ne sait point encore suffisamment écrire pour remplir le cadre d’un opéra en cinq actes. Toutefois le nouvel ouvrage de M. Semet le recommande de plus en plus à l’attention de la critique.

Il est évident que c’est pour les beaux yeux de Mme Ugalde que l’opéra de Gil Blas a été créé et mis au monde. Nous ne pensons pas que les auteurs aient été bien inspirés de faire un aussi grand sacrifice à une artiste de talent sans doute, mais dont la verve un peu commune et l’esprit ne compensent pas le goût et la voix qui lui manquent. Mlle Girard est piquante dans le rôle de la camériste Laure. Les chœurs et l’orchestre marchent avec ensemble.

Quelques livres utiles qui intéressent l’art musical ont été récemment publiés tant en France qu’en Allemagne. Nous avons déjà annoncé aux lecteurs de la Revue que le quatrième et dernier volume de la Vie de Mozart par M. le professeur Otto Jahn, avait paru[1]. C’est l’ouvrage le plus complet qui existe aujourd’hui sur l’auteur sublime de Don Juan. Nous aurons occasion d’examiner avec plus de loisir l’œuvre patiente de M. Jahn, qui ne laisse à désirer, ce nous semble tout d’abord, qu’un peu plus de concision dans les détails accessoires où se complaît un peu trop l’ingénieux et savant biographe. Louis Spohr, qui est mort l’année dernière à Cassel, a laissé une autobiographie qui promet d’être intéressante, et dont il n’a paru encore qu’une livraison[2]. L’ami, l’élève et le commensal de Beethoven, M. Antoine Schindler, a donné une seconde édition de la vie du grand symphoniste qu’il a publiée pour la première fois à Munster en 1845.

  1. Leipzig, chez Breitkopf et Haertel.
  2. Goettingue, chez George Wigand.