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Après la mort du Bouddha, trois conciles s’étaient appliqués à fixer ses doctrines. Le premier, tenu dans la ville sainte de Râdjagriha peu après que le législateur eut quitté ce monde, avait été présidé par le cousin du Bouddha, Ananda, et par son disciple bien-aimé, Kâçyapa, celui qui boit la lumière. Ils avaient rédigé ensemble le Tripitaka (la triple corbeille), qui contient les soutras, l’Abhidharma (métaphysique) et le Vinaya (discipline). À la suite des quatre vérités sublimes qui indiquaient à la fois la cause des misères humaines et le chemin de la rédemption, prirent place les cinq préceptes suivans : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère, ne point mentir, ne point s’enivrer. La chasteté la plus rigoureuse fut imposée aux religieux ; il leur fut prescrit de se vêtir de haillons, de vivre d’aumônes, d’habiter les forêts, ce qui justifiait pleinement le nom de Bhikchous, mendians, que les bouddhistes se donnent à eux-mêmes. Avant d’obtenir la suprême sagesse, au temps où il n’était encore qu’ascète, Çâkyamouni s’était aussi appelé Mahâ Bhikchou, le seigneur mendiant. Les disciples, réunis en concile, prescrivirent encore, en se conformant aux préceptes du maître, la charité, la pureté, la patience, le courage, la contemplation et la science. Ce fut ce qu’on appela les pâramitâs ou vertus transcendantes « qui font passer l’homme à l’autre rive, c’est-à-dire à l’entrée du chemin qui mène au nirvâna. » Ces préceptes n’ont rien que de fort louable, mais ils sont bientôt dénaturés comme tout le reste : la patience et le courage se changent en longues tortures imposées volontairement au corps, et l’extravagance se mêle même à la charité. C’est ainsi qu’une légende représente le Bouddha rencontrant les petits d’une tigresse affamés près des mamelles taries de leur mère : dans l’excès de sa tendresse et de sa compassion, il leur donne ses membres à dévorer. L’humilité, également prescrite, fut le principe d’une institution qui a passé dans le christianisme : c’est la confession ; deux fois par mois, à la nouvelle et à la pleine lune, les religieux confessaient publiquement leurs fautes, et les laïques se réunissaient, mais à des intervalles moins rapprochés, pour la même cérémonie. Le Bouddha recommanda encore la piété, le respect envers les parens, et lui-même en donna l’exemple.

On voit que si la métaphysique du Bouddha était faible et que si les procédés par lesquels il prétendait conduire au salut étaient peu conformes aux véritables lois de la vie humaine, du moins sa morale était pure. Elle paraît avoir produit des résultats salutaires dans la période de ferveur et de prosélytisme qui suivit la mort du Bouddha, tant que le souvenir de sa figure à la fois noble et touchante put dominer l’ensemble de ses doctrines. Plus tard encore, transplantée dans des pays étrangers, elle contribua à développer de généreux