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la philosophie, comme le mot de géométrie le nom de toutes les mathématiques. On peut très pertinemment appeler Laplace un grand géomètre, quoique je ne sois pas sûr qu’il ait dans sa vie écrit deux pages de géométrie proprement dite. Qu’on soit donc averti que, dans ces deux volumes intitulés Leçons de Métaphysique, il n’est pas question de métaphysique, ou il ne s’en rencontre qu’incidemment, et quand le sujet le requiert. Hamilton a usé de la latitude de la dénomination de métaphysique pour enseigner ce que, dans une autre chaire, avaient enseigné Stewart et Brown, et enseignaient encore Wilson et M. Macdougall. Ce n’est pas qu’il eût exclu de son cadre la métaphysique proprement dite : il devait un jour comprendre dans son cours, avec la psychologie, l’ontologie, ce qui est le nom de guerre de la métaphysique ; mais ce jour n’est jamais venu : il s’est borné à la science des phénomènes de la pensée et à celle de ses lois. La première est l’objet des deux volumes qui paraissent ; la seconde, ou la logique, le sera des deux qu’il reste à publier. Dans ceux même qui nous sont livrés, n’espérons pas trouver tout ce que nous aurions droit d’attendre. L’auteur a partagé son sujet ou plutôt l’âme humaine en trois divisions empruntées à Kant : la connaissance, le sentiment, l’action[1]. La dernière partie, qui devait comprendre la morale ou du moins tout ce qui s’y rapporte dans les phénomènes de l’âme, n’a jamais été traitée ; la seconde ne l’a été qu’assez succinctement dans six leçons. La première en contient quarante, et c’est un traité de la connaissance. Après tout, ce n’est pas moins que le sujet de la Critique de la Raison pure.

Malgré le haut prix de cet ouvrage, il ne faut cependant pas nous dissimuler que nous n’avons pas la pensée dernière et l’œuvre définitive de sir William Hamilton. On citerait des questions qu’il a plus copieusement traitées dans ses Discussions de philosophie et dans les dissertations annexées à son édition de Reid. S’il a fait des découvertes, elles sont là. Par des motifs difficiles à deviner, dont sa santé est probablement un, dont son goût pour les fragmens et sa répugnance à finir est un autre, Hamilton, nommé professeur il y a vingt-quatre ans, a écrit pendant les deux premières années de son cours chacune de ses leçons la veille du jour où il devait la faire ; depuis lors, c’est-à-dire depuis 1838, il a répété le même cours sans y faire de changemens notables, et c’est celui qu’on imprime. C’est donc bien un cours, ce n’est pas un livre. C’est un cours excellent ; c’est un livre imparfait qui a des parties éminentes.

On croit apercevoir au début un peu d’incertitude, non assurément

  1. Les facultés cognitives, sensitives ou sensibles, et conatives.