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sur le fond des principes, mais sur la façon d’entrer en matière et de triompher soit des préventions, soit de la froideur, soit de l’inexpérience philosophique du monde au milieu duquel il prenait la parole. Ainsi dix leçons qu’il emploie à établir ce que c’est que la philosophie dans sa nature, dans ses causes, dans sa méthode, ses divisions, sa définition, enfin sa langue, sont comme une lente et hésitante préparation à quelque chose d’équivoque et de mystérieux, et quoique fort élémentaires à certains égards, elles commencent par une revendication de l’utilité de la philosophie qui semble adressée à un adversaire présent et silencieux. La place élevée et nécessaire de la science dans l’éducation est établie par des faisons fortes, mais peu populaires de leur nature, et enfin un dernier privilège est réclamé pour elle, celui de faire connaître les seuls phénomènes propres à fonder une preuve légitime de l’existence de Dieu et de l’immortelle spiritualité de l’âme. Il y a évidemment là une réponse indirecte aux défiances des sectes environnantes ; mais la démonstration, un peu plaquée dans cet endroit, est au moins prématurée, car elle procède par un ordre d’idées qui ne peuvent être comprises sans un certain usage de la psychologie, et elle suppose une critique des autres preuves de la théologie naturelle qui n’est pas unanimement acceptée, et qui appartient à la doctrine particulière du professeur. Ces préliminaires une fois franchis (et ils contiennent sur les termes du langage philosophique d’excellentes discussions trop négligées par d’autres écrivains), l’auteur arrive à cette division kantienne des phénomènes de l’âme que nous avons indiquée. Qui dit phénomènes dit quelque chose de relatif. On n’apparaît, on ne se manifeste qu’à un témoin, et c’est au nom de ce témoin, c’est pour ce témoin même que parle le philosophe. Ce témoin, l’homme, l’esprit, l’âme, le moi enfin, connaît ce qui se passe en lui et hors de lui ; c’est là une croyance naturelle, universelle, qui est le fait même donné par la réalité à l’observation scientifique. Connaître suppose une puissance de connaître, et, s’il y a plusieurs manières de connaître, il y a plusieurs facultés cognitives. L’idée même de la connaissance suppose une relation entre ce qui connaît et ce qui est connu. Rien donc ne nous est connu que relativement à nos moyens de connaître. Nous ne connaissons que dans la mesure et dans les conditions de nos facultés, et nous ne connaissons que ce qui est connaissable par elles, c’est-à-dire que toute notre connaissance est relative, et que toute notion se limite pour un esprit limité. Les objets ne sont pour nous qu’en tant qu’ils sont connus ; nous bornons leur existence à ce qui est accessible à nos moyens de connaître. Puisqu’il y a des phénomènes internes et des phénomènes externes, il y a quelque chose au dedans et quelque chose au dehors, l’un et l’autre connus comme série distincte de phénomènes et de qualités,