Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la pensée d’ériger la conscience en faculté spéciale, après être allé jusqu’à dire que la conscience est une et indivisible, comprenant toutes les modifications, tous les phénomènes du sujet pensant, et qu’elle est à l’esprit ce que l’étendue est à la matière, il n’admettait plus tard que l’âme peut être modifiée sans en avoir conscience, et que l’expérience y fait saillir des effets dont la cause originaire lui échappe. Je ne conteste pas, je suis au contraire persuadé que certaines choses se passent en nous sans nous ; mais s’il en est ainsi, s’il apparaît dans le moi des phénomènes qui supposent des connaissances qui n’ont laissé aucune trace, il faut admettre que nos facultés connues se sont exercées accidentellement à notre propre insu, que nous pouvons n’avoir pas toujours conscience de leurs actes, ou bien il faut supposer tout un ordre de facultés occultes, de facultés sans conscience, qui font leur œuvre concurremment avec les facultés de conscience, et ne se témoignent que de loin en loin par leurs résultats. Je crois que l’observation directe pourrait prouver que la conscience, comme élément de tout acte mental, est une quantité intensive très variable et qui peut tomber au-dessous de toute valeur appréciable, et conséquemment être comme si elle n’était pas. Cette considération ôterait toute importance à la question de savoir si la conscience est ou n’est pas une faculté spéciale, car les facultés ne sont que des abstractions, des suppositions. Tous les actes de notre être mental sont complexes. Lui seul, cet être, il est et il agit ; et s’il peut agir parfois en telle sorte qu’il manque de la conscience de son action, il devient presque indifférent de considérer celle-ci comme une faculté spéciale, puisqu’elle peut s’effacer dans l’action de nos facultés connues, ou faire place à des puissances mystérieuses dont elle n’a aucune idée. Il me semble que le moi, toujours en mouvement, comme parle Platon, conformément à toutes les lois de sa nature, n’imagine pas toujours autant qu’il perçoit, ne raisonne pas toujours autant qu’il se souvient, en un mot se manifeste inégalement dans ses diverses propriétés. Pourquoi donc aurait-il toujours une conscience également distincte de tous ses actes ? Or c’est une loi du monde de l’expérience externe que les faits qui s’y passent peuvent, sans périr absolument, s’atténuer à ce point que pour nous la valeur en soit comme nulle. Tout minimum est sensiblement égal à zéro. N’en pourrait-il pas être de même dans le monde de l’expérience interne ?

Quoi qu’il en soit de cette observation, il reste que sir W. Hamilton a, dans neuf leçons consécutives, tracé de la conscience un admirable tableau, qui peut être cité comme un modèle d’observation psychologique. L’acte de conscience que l’on appelle connaissance suppose divers moyens de connaître, et produit en nous des notions diversement obtenues ; c’est ce qu’on exprime en disant qu’il y a