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Par qui Adrien serait-il remplacé sur le trône pontifical ? Chacun des deux monarques rivaux avait intérêt à faire nommer un pape qui lui fût favorable, et surtout à en faire repousser un qui lui serait contraire. Ils ne négligèrent rien pour l’emporter dans cette lutte électorale, dont les effets devaient s’étendre à la lutte militaire. Trente-cinq cardinaux entrèrent d’abord en conclave ; il en survint ensuite quatre, ce qui porta le nombre des électeurs pontificaux à trente-neuf[1]. Comme il fallait réunir les deux tiers des voix pour être pape, il était nécessaire que vingt-six cardinaux s’accordassent dans un choix commun. Les candidats étaient les mêmes que lors du précédent conclave, et le sacré collège présentait les mêmes divisions[2].

Dès que Wolsey avait connu la mort d’Adrien, il s’était mis de nouveau sur les rangs, cette fois avec une ardeur résolue et confiante. Il avait transmis en toute hâte à l’évêque John Clerk, ambassadeur d’Henri VIII à Rome, son ambitieux désir et l’invitation d’acquérir les suffrages, même en les achetant. « Mylord de Bath, lui avait-il dit, le roi m’a chargé de vous écrire que sa grâce a une merveilleuse opinion de vous,… et ne doute point que, par votre habileté, la chose ne soit conduite au but souhaité. N’épargnez point les offres raisonnables, ce qui est une chose qui, parmi les nécessiteux, est plus estimée d’aventure que les qualités de la personne. Soyez prudent… et ne vous laissez pas séduire par de belles paroles de la part de ceux qui disent ce qu’ils veulent et désirent plus leur agrandissement que le mien. Il faudra user de dextérité, et le roi pense que tous les impériaux seront clairement avec vous, si on peut se fier à l’empereur. Les jeunes gens, qui la plupart sont besoigneux, prêteront de bonnes oreilles à vos offres, lesquelles seront remplies, n’en doutez pas. Le roi souhaite que vous n’épargniez ni son autorité, ni l’argent. Vous pouvez être assuré que toutes les promesses seront tenues, et que le roi notre sire y mettra de la diligence[3]. »

En même temps que Wolsey envoyait à l’ambassadeur d’Angleterre l’ordre d’employer jusqu’à la corruption pour le faire élire, Henri VIII demandait à Charles-Quint d’appuyer la candidature de son principal ministre de manière à ce qu’elle réussît[4]. L’empereur

  1. Dépêche de Rome du 2 décembre, écrite par J. Clerk, R. Pace et Th. Hannibal au cardinal Wolsey. — State Paper’s, t. VI, p. 196.
  2. Voyez la Revue du 1er avril 1858.
  3. Wolsey à mylord de Bath (autographe), 4 oct. 1523, dans Fiddes, the Life of cardinal Wolsey, collections, p. 71 et 72.
  4. Dans cette curieuse lettre inédite du 6 octobre, Henri VIII disait à Charles-Quint : « Mon mieulx aimé fils, il me semble convenient vous rcduyre a mémoire les devises qui ont esté maintes fois entre nous pour l’advancement à ceste dignité pappalle de nostre plus entièrement commun conseiller et serviteur mon cardinal d’York… Je vous prye et désire le plus cordiallement que faire puys, comme je croy fermement vous avez fait, devant l’arrivée de ces présentes mes lettres, pour votre part, et comme j’ay fait et feray semblablement de la mienne, soliciter, procurer et mectre en avant ceste matière en si effectuelle manière, qu’elle puisse estre mennée à nostre désire, en quoy faisant, quel honneur, bénéfice, seureté et commodité ensouyvra à nous deux et à nos royaulmes. » — Archives impériales et royales de Vienne.