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plusieurs espèces de facultés cognitives. Les plus simples, les plus usuelles, les plus essentielles, en ce qu’elles nous mettent directement en rapport avec les existences, sont celles que Hamilton appelle présentatives, parce qu’elles nous rendent immédiatement présente la réalité. Ce sont la perception et la conscience de soi[1], l’une qui nous révèle le dehors, l’autre le dedans. Dans les idées du savant professeur, la première pourrait aussi bien s’appeler la conscience du non-moi, et la seconde la perception du moi ; mais les deux précédentes appellations ont prévalu, et avec raison. C’est ici que Hamilton se montre vraiment Écossais. Tout en relevant certaines erreurs de Reid, tout en montrant qu’il a mal pris la pensée de plusieurs des philosophes qu’il condamne, et qu’il a obscurci ou affaibli la sienne, ne se faisant pas une juste idée de la connaissance immédiate, le disciple prouve parfaitement que le maître a bien établi ce qu’il a cru établir, qu’il l’a établi par d’excellentes raisons, exprimées sans une rigoureuse exactitude. En un mot, il rectifie et il confirme la théorie de Reid. Cette théorie, c’est le réalisme ou le dualisme naturel, ou la croyance du genre humain à la réalité de l’existence de ce qui sent et de ce qui est senti érigée en doctrine par l’observation et l’analyse. Je réunirai encore ces neuf leçons aux neuf précédentes pour en faire une théorie générale des fondemens de la connaissance qui, pour la solidité, la justesse, l’exactitude, la critique des systèmes et le choix des autorités, n’a pas peut-être de supérieure. Le réalisme naturel y devient, autant qu’il peut l’être, un réalisme scientifique. Il y a là une conciliation de l’esprit de Kant et de la doctrine de Reid qui me paraît devoir être regardée comme la base définitive de la philosophie écossaise.

Les trois classes de facultés qui suivent sont les facultés conservatives ou la mémoire, reproductives ou l’association et la réminiscence, représentatives ou l’imagination. Cette partie offre certainement des idées justes et plus d’une page remarquable, mais elle n’égale pas la précédente en perfection ; elle est évidemment beaucoup moins travaillée. L’auteur s’est mis moins en frais de perspicacité et de rigueur. Il semble répéter la science plutôt que la faire lui-même. Le défaut d’originalité se laisse apercevoir, et l’esprit est moins satisfait. Les sept leçons suivantes, qui terminent la description des facultés cognitives, sont fort supérieures ; elles traitent de deux classes de facultés qui, selon Hamilton, ne donnent pas la connaissance proprement dite, laquelle résulte du jeu et du concours de celles qui ont été précédemment analysées. Une fois cependant que celles-ci ont donné aux objets de la connaissance toutes les formes et, si j’ose ainsi parler, toutes les façons de l’esprit humain, il reste

  1. En français, on appelle cette self consciousness du nom plus général de conscience.