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et que tout nous amène à la conclusion adoptée à Milan comme à Paris : les insectes sont frappés, et non les arbres[1].

Un fait bien curieux confirme encore cette conclusion. Nos chenilles domestiques ne sont pas les seules atteintes ; leurs congénères sauvages le sont également. Dans l’Ardèche, dans la Drôme, on a constaté que, depuis le commencement de l’épidémie, les papillons ont presque entièrement disparu des jardins, des bois, des prairies. Depuis la même époque, des taillis de chênes, situés près de Montpellier et habituellement ravagés par les chenilles, conservent toute leur verdure, parce que les insectes ont disparu ; M. Marès a retrouvé ces insectes sous les pierres, dans les broussailles, portant tous les caractères des diverses maladies qui détruisent les magnaneries. Or, parmi ces maladies, il en est une dont nous ferons connaître plus loin le rôle prépondérant. Celle-ci se découvre à des signes certains, (et ces signes ont été reconnus sur les chenilles sauvages par un écolier de douze ans, M. Armand Angliviel. Ainsi les insectes périssent au moment même où les arbres qui les portent présentent un aspect de vigueur inusitée. N’est-il point évident que les premiers seuls sont malades, qu’ils ne peuvent par conséquent pas exercer leurs ravages ordinaires, et que les seconds, délivrés de leurs voraces ennemis par l’épidémie, profitent en quelque sorte de l’occasion pour montrer qu’ils ne se sont jamais mieux portés ?

Quelle est donc la nature de ce mal qui frappe nos vers à soie jusque dans les générations à venir ? Pour répondre à cette question, faisons comme le médecin appelé auprès d’un malade, et pour expliquer le présent, interrogeons d’abord le passé.

Il y a plus de vingt ans, tandis que les vers à soie prospéraient partout ailleurs et que leurs générations se succédaient sans encombre, la petite ville de Cavaillon présentait une exception remarquable. La reproduction de ces insectes s’y faisait mal. Une chambrée assez bien réussie au point de vue industriel ne fournissait que des papillons sans vigueur, et dont la graine, mise à couver l’année suivante, ne donnait que peu ou point de produit. Cet état de choses avait dès cette, époque donné naissance à un commerce d’importation local : Cavaillon achetait au dehors ses œufs de vers à soie.

Dès 1845, des phénomènes analogues se montrèrent aux environs d’Avignon et jusqu’à Loriol, dans le voisinage de Valence. Les chambrées s’ébranlaient ; elles échouaient sans causes connues. D’année en année, les réussites devenaient plus rares, et toujours se reproduisait le caractère essentiel de la mauvaise qualité des graines. Bientôt le mal s’aggrava et s’étendit. Les environs de Nîmes et de

  1. Rapport de la Commission de l’Institut lombard, par M. Cornalia.