Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fixer les idées, comparons la maladie des vers à soie au choléra.

Le choléra, dans sa marche progressive, a souvent épargné des contrées qu’il envahissait plus tard par un brusque retour en arrière. La maladie des vers à soie désolait la. Sicile et les Calabres alors que la Toscane et le Bolonais étaient encore intacts : ils ont été depuis frappés comme toute l’Italie.

Au milieu des contrées envahies, le choléra semble respecter des îlots plus ou moins étendus. La maladie des vers à soie présente encore aujourd’hui en Europe et en France même des exemples de ce fait. Le massif d’Andrinople, entouré par le mal presque de toutes parts, a résisté jusqu’à ce jour ; en Italie, certains cantons des Abruzzes, quelques points de la Vénétie sont encore épargnés, et, bien près de Florence, M. Ricasoli, le chef actuel des Toscans, a fourni jusqu’en 1859 une graine qui, élevée en Piémont, a donné de magnifiques résultats. Enfin, dans notre Ardèche ; la belle race de Blanc-Annonay n’a éprouvé encore aucun dommage.

Bien souvent, il est absolument impossible d’expliquer par des conditions spéciales de salubrité l’immunité des espaces plus ou moins étendus, des villes et des villages épargnés par le choléra. Il en est exactement de même pour les îlots que la maladie des vers à soie n’a pas atteints ou n’a frappés qu’en dernier lieu. Les uns sont en pleine montagne, d’autres sur le bord même de la mer ; il en est qui atteignent la région des hêtres, d’autres sont placés dans celle des oliviers ; ceux-ci sont composés d’alluvions, et ceux-là de roches primitives.

En temps de choléra, la santé la plus robuste, l’observation la plus stricte des lois de l’hygiène, ne sont nullement une garantie d’immunité. Ici encore la ressemblance n’est que trop frappante entre l’épidémie humaine et la maladie des insectes. Les graines les plus saines, provenant de contrées où le mal n’a jamais paru, élevées avec des soins exceptionnels, ont bien des fois donné naissance à des vers qui, après avoir présenté tous les signes de la force et de la santé, ont succombé comme les autres.

Il serait aisé de pousser plus loin ce parallèle. Ce qui précède suffit et au-delà pour motiver la conclusion suivante, formulée par la sous-commission chargée d’étudier le mal et adoptée par l’Académie des Sciences : Si le choléra est une épidémie, la maladie des vers à soie est une épizootie. Mais, de plus que le choléra, cette maladie est héréditaire, et se présente dès lors comme le fléau le plus complet que la pathologie humaine ou comparée ait encore eu à étudier.

Avoir mis hors de doute ce double caractère du mal, ce n’était pas encore le connaître. J’ai dit déjà combien étaient différentes les