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de témérité, et qui ne le cédaient qu’à leur héroïque général. Toiras ne s’était pas borné à faire des sorties fréquentes, il s’était emparé d’un bon nombre de petites villes voisines, et il y avait mis garnison. Quelquefois il allait chercher au loin l’armée espagnole et lui livrait de sanglans combats. Un jour, s’étant avancé un peu trop loin, il manqua d’être coupé par un gros corps ennemi, et quand il voulut faire sa retraite, il se trouva arrêté par une inondation soudaine du Pô. Pour se tirer d’affaire, il se jeta sur la petite ville de Morano, s’y établit, laissa décroître le fleuve, et quelques jours après, revint à Casal sans que les Espagnols eussent osé l’inquiéter. Il avait confié le commandement de Rossignano à Montausier, qui s’y défendit quatorze jours et ne capitula que sous la condition qu’il rentrerait dans Casal avec tout son monde. Pont-d’Esture se défendit moins bien : le commandant de la garnison consentit à se rendre ; mais avant de le faire, il envoya quelques officiers prendre l’avis de son chef. Celui-ci les reçut fort mal et leur dit qu’il fallait tenir jusqu’à la dernière extrémité. Il s’aventura jusqu’à Villadeati et Settimo, éloignées de huit ou neuf lieues de Casal. Tout changea quand le 23 mai Spinola, qui avait chargé de la conduite du siège son fils don Philippe, vint prendre lui-même le commandement à la tête de dix-huit mille hommes d’infanterie et de six mille chevaux. Toiras disputa pied à pied chaque pouce de terrain, et le siège devint très meurtrier. D’abord on fit des prisonniers qu’on échangeait ; bientôt Spinola se refusa à cet échange ; on finit par ne plus faire de quartier. Ce fut bien pis après l’heureux coup de main d’Aldringer et de Gallas. Spinola s’irrita de paraître moins actif et moins habile que les lieutenans de Collalto, et voulut répondre à la prise de Mantoue par celle de Casal. Il multiplia les attaques, s’empara d’une partie de l’enceinte de la ville, bloqua étroitement la forteresse, et se prépara à l’emporter de vive force, si la famine n’en venait pas à bout. Enfin l’armée française, victorieuse à Veillane, poursuivait ses succès et achevait la conquête du Piémont ; mais la peste la décimait, et la mit bientôt hors d’état de marcher au secours de Casal et d’aller attaquer dans ses lignes la puissante armée de Spinola.

Telle était la situation des affaires au 1er août 1630. Toutes ces nouvelles, en arrivant à Saint-Jean-de-Maurienne, trouvèrent le roi déjà un peu malade. Il avait eu quelques accès de fièvre ; on craignait qu’il ne fût lui-même atteint de la peste, qui régnait en Savoie comme en Piémont. La reine-mère et la reine Anne, qui étaient à Lyon, redemandaient le roi à grands cris, accusant Richelieu de l’exposer à la mort. Le cardinal, voyant que Louis XIII était réellement malade et avait perdu toute son ardeur, n’osa prendre la responsabilité de le retenir plus longtemps, et il l’engagea lui-même à