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troupes de Bonnivet au-delà des Alpes, et de renouveler contre le royaume de François Ier l’attaque générale qui n’avait pas réussi l’année précédente.


III

Pendant que son armée était en danger et battait en retraite dans la Haute-Italie, pendant que l’extrémité méridionale de son royaume était ravagée par les troupes de Charles-Quint, qui reprenait possession de Fontarabie, François Ier était à Blois, plus livré encore à ses passe-temps[1] et à ses plaisirs qu’occupé de ses affaires. Il songeait moins à aller, comme il en avait annoncé bien des fois le projet[2], commander les troupes dont dépendaient le recouvrement du Milanais et la sûreté de la France qu’à poursuivre les complices du connétable de Bourbon. Il croyait que le complot avait des ramifications étendues, et il voulait connaître tous ceux qui y avaient adhéré, autant pour se rassurer que pour les punir. Il lui importait de découvrir les soutiens cachés de desseins auxquels n’avait pas renoncé l’implacable rebelle que l’empereur avait nommé son lieutenant-général, et qui en ce moment était à la tête des armées ennemies. Aussi pressait-il l’instruction et le jugement des prisonniers arrêtés soit à Lyon, soit dans d’autres parties du royaume, comme ayant pris part à la conjuration. Les commissaires du parlement, qu’il avait désignés lui-même d’après les indications du chancelier Du Prat, procédaient avec des lenteurs qu’il prenait pour des ménagemens. Il s’irritait de la régularité des formes et se plaignait de la douceur des interrogatoires. Aussi enjoignait-il aux méthodiques magistrats, en répugnaient encore plus à employer dans la justice la précipitation que la violence, d’agir vite et de recourir à la torture pour tirer la vérité de ceux qui s’obstinaient à la taire. Interrogés à Loches et conduits ensuite à Paris, les plus considérables des prisonniers n’avouaient rien. L’évêque du Puy et surtout l’évêque d’Autun[3] déclaraient

  1. Brion écrivait de Blois le Ier février 1524 au maréchal de Montmorency : « Le roy revint hier de la chasse de St-Laurens-des-Eaux, là où il a couru le cerf deux jours ; du passetemps je vous laisse à penser quel il a esté, car pour demeurer jusques à dix heures du soir sans revenir au logis, il n’y a gens qui l’ayent mieux fait que nous et bien mouillez. » Mss. Clairembault, Mélanges, vol. 36, f. 8789. — Le 19 janvier, le secrétaire Robertet écrivait au même : « Le roy fait très bonne chère. » Ibid., V. 30, f. 8781.
  2. Il disait à l’amiral de Bonnivet et au maréchal de Montmorency dans sa lettre du 17 septembre : « Si vous iray-je veoir le plus tost que je pourray, car je ne seray jamais à mon aise que ne soye joint avec vous et mon armée. » Mss. Baluze, f. 244. — Dans sa lettre du 18 janvier 1524, il leur annonçait encore qu’il était disposé non-seulement à leur envoyer des troupes, mais « à les secourir de sa propre personne. » — Mss. Baluze, f. 140.
  3. Mss. Dupuy, v. 484, f. 220 V°.