Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y était gravement malade. En proie à la fièvre, il écouta du lit où il était étendu la sentence qui prescrivait sa dégradation avant son supplice. « Le roi, dit-il, ne peut m’enlever l’ordre de Saint-Michel qu’en présence de mes confrères convoqués et assemblés. » Il protesta contre cette injure. Comme on lui demandait où était son collier, il répondit que le roi savait bien où il l’avait perdu, et que c’était à son service. Il refusa deux fois de s’en laisser mettre au cou un autre qu’on n’y attacha que pour l’en arracher. On fit apporter ensuite dans sa chambre les instrumens de torture, et on le pressa de faire des aveux plus étendus. Le malheureux dit qu’il s’abandonnait à la cour, rappela qu’il avait servi le roi à ses dépens, se plaignit que ses amis le délaissassent en son besoin, soutint qu’il n’avait rien à ajouter à ses précédentes déclarations, protesta vivement contre tout projet d’attenter à la personne du roi ou de ses enfans, et demanda à se confesser et à faire son testament. Après avoir passé une heure avec son confesseur, sommé de nouveau de désigner tous les complices de la conspiration, il permit au prêtre qui venait de l’entendre de révéler sa confession. La torture fut jugée dangereuse et inutile. On renonça à la lui donner et l’on disposa tout pour son supplice.

Saint-Vallier avait fait invoquer la miséricorde du roi par ceux qui pouvaient le mieux la lui concilier. Il s’était adressé, avec de pathétiques supplications, à son gendre, le grand-sénéchal de Normandie, qui avait découvert au roi la conspiration, à l’évêque de Lisieux, qui l’avait le premier révélée, et à sa fille, la belle et célèbre Diane de Poitiers. « Si vous ne pouvez venir jusqu’ici, avait dit Saint-Vallier au grand-sénéchal, je vous requiers en l’honneur de Dieu que vous me veuilliez envoyer votre femme… De vostre costé, écrivez au roi et à Madame tout ainsi que vous le saurez bien faire. J’ai le cœur si serré qu’il me crève. Ayez pitié de moi, car le cas vous touche[1]. » Il avait demandé aussi à Diane de Poitiers, qui devait passer par Blois et y retourner après s’être concertée avec lui, d’avoir assez pitié de son pauvre père pour venir le voir. La grande-sénéchale avait obtenu du roi la vie de son père.

Cependant Saint-Vallier, extrait de la tour de la Conciergerie, avait été mené sur le perron du Palais-de-Justice, où lui avait été lue à haute voix la sentence qui le condamnait à avoir la tête tranchée. Il avait ensuite été placé sur une mule avec un archer monté en croupe derrière lui pour le soutenir. Il fut ainsi conduit à la place de Grève au milieu des arbalétriers, des sergens à verge et du guet. Il était sur l’échafaud tout prêt à y subir sa sentence, lorsqu’accourut,

  1. Mss. 484, f. 121 r°.