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fendant la foule, un archer de la garde du roi qui apportait sa grâce[1]. Cette grâce était accordée, disait le roi dans sa déclaration, aux prières du grand-sénéchal, en récompense surtout du service éclatant qu’il en avait reçu[2] ; mais elle était loin d’être entière. Au lieu d’avoir la tête tranchée, Saint-Vallier était condamné à passer sa vie entre quatre murailles maçonnées, n’ayant qu’une petite fenêtre par laquelle on lui administrerait son boire et son manger. Ce supplice, que la perpétuité aurait rendu aussi cruel pour lui que la mort, ne commença pas même à lui être infligé. François Ier, que les prières de Diane de Poitiers avaient encore plus touché que les instances et le dévouement du grand-sénéchal, étendit la grâce du père à mesure que les sollicitations de la fille acquéraient plus d’empire sur lui. Peu de jours après avoir fait remise de la peine capitale à Saint-Vallier, il prescrivit de surseoir à son emprisonnement, et il envoya bientôt un capitaine de sa garde avec ordre au parlement de lui remettre le prisonnier pour le conduire où le voulait son bon plaisir[3]. Mené dans un de ses châteaux sur les bords de l’Isère, Saint-Vallier y passa librement le reste de sa vie, qui ne se termina que douze ans après[4].

François Ier, qui avait accordé la grâce de Saint-Bonnet à cause de ses révélations, celle de Saint-Vallier à cause des supplications de son gendre et peut-être des influences de sa fille[5], trouva les juges

  1. « 17 fev. mercredi. Ce jour le seigneur de St-Vallier estant en Grève sur l’eschaffault, prest à décoller, ont esté apportées lettres patentes du roy, etc. » — Mss. Clairembault, v. 30, f. 8797 et Mss. Dupuy, v. 484, f. 339 V° à 342.
  2.  ». Comme puis nagueres nostre cher et féal cousin conseiller et chambellan le comte de Maulevriers, grand-sénéchal de Normandie, et les parens et amis charnels de Jehan de Poitiers seigneur de Saint-Vallier, nous ayant en très grande humilité supplié et requis avoir pitié et compassion du dict de Poitiers et en faveur et contemplation d’eulx et des services par eux faicts aux rois nos prédécesseurs à nous et à nostre royaulme depuis nostre advenement à la couronne et mesmement puis nagueres le grand-senechal, lequel en monstrant la loyauté, fidélité qu’il nous a et à nostre dit royaulme, nous a descouver les machinations et conspirations faictes contre nostre personne, nos enfans et nostre dit royaulme, et en ce faisant nous a préservé des maux qui par icelles nous pouvoient ensuir, nostre plaisir soit commuer et changer la peine de mort, etc. » — Ibid., p. 342.
  3. Lettre de surséance au parlement, quant à l’emprisonnement, du 20 février, mss. 484, f. 343 ; — lettre du 23 mars portée au parlement par le seigneur de Vaulx, capitaine de sa garde, ibid., f. 411, ro.
  4. Étienne Pasquier, ordinairement si bien instruit et si exact, en parlant de la fièvre de Saint-Vallier (Recherches de la France, liv. VIII, p. 825), dit que « ce dicton est venu de ce que Saint-Vallier fut saisi sur l’eschaffaut, au moment où il alloit estre décapité et où il reçut sa grâce, d’une fièvre à laquelle il succomba peu de jours après. » Or son testament, fait le 26 août 1530 au château de Pizanson, est dans l’Histoire des Comtes de Valentinois et des Seigneurs de Saint-Vallier, par André Duchesne, p. 103 et 104 des preuves à la suite de l’Histoire généalogique des Ducs de Bourgogne, in-4o, Paris 1628.
  5. Voyez les dix-sept lettres autographes qui sont attribuées à Diane de Poitiers dans le Mss.2722, Supp. franc., et que M. Aimé Champollion-Figeac a publiées comme ayant été adressées par elle à François Ier. — Poésies e ! Correspondances de François Ier, in-4o, 1847, p. 217 à 220.