Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

russe était commandée par le général Korf, officier de la plus haute distinction et du plus grand mérite dans son arme. C’était avec cette illustration moscovite que le général français allait se trouver aux prises.

Trois colonnes quittèrent Eupatoria le 29 à trois heures du matin pour marcher à l’ennemi. Le général d’Allonville était à la tête de l’une d’elles ; il avait sous ses ordres directs un corps ainsi composé : trois régimens de cavalerie, 4e hussards, 6e et 7e dragons, une batterie d’artillerie à cheval, des bataillons turcs et égyptiens, et la cavalerie irrégulière turque[1]. Cette colonne traversa l’un des bras du lac Sasik, et marcha par Chiban sur Djollchak, rendez-vous commun. Les deux autres colonnes avaient poussé devant elles les escadrons russes, qui s’étaient successivement repliés sur leurs réserves. Le général d’Allonville était en marche, lorsque le colonel polonais Kosielski, galopant sur les flancs de la colonne, aperçut la cavalerie russe défilée par quelques mamelons et faisant une halte. Il en prévint le général, qui envoya immédiatement à la tête de colonne (4e hussards) l’ordre de charger. Il y a un moment où l’impulsion doit être donnée à la cavalerie qu’on veut mener à la victoire, moment qui, une fois passé, ne se retrouve plus. Ce moment avait été saisi. Le 4° de hussards est lancé ; il est soutenu par le général de Champéron avec ses dragons, dignes ce jour-là de nos vieux dragons d’Espagne. Le 6e régiment de dragons, ayant à sa tête le colonel Resayre, suivi du 7e, colonel Duhesme, appuyant sur la droite, seconde le mouvement des hussards et tombe sur les escadrons de hulans qui cherchaient à rétablir le combat et à sauver les pièces. Une affreuse mêlée s’engage ; la cavalerie russe est culbutée, sabrée, poursuivie l’épée dans les reins sur un espace d’environ deux lieues. Six bouches à feu, douze caissons, cent soixante-neuf prisonniers, deux cent cinquante chevaux du 18e de hulans, avec son commandant, le colonel Andreouski, tué de la main d’un de nos braves hussards, voilà les trophées de cette belle journée, digne, pour la cavalerie, de la glorieuse affaire de Saarsfield en Prusse.

Qu’on réfléchisse maintenant sur ce rôle de la cavalerie française si différent suivant les occasions. Dans la campagne d’Afrique de 1840, le commandement d’un chef non spécial lui enlève toute activité, au grand détriment des colonnes expéditionnaires, qui prodiguent leur sang, faute d’être appuyées par un corps dont la place

  1. Ce corps fut porté, avant la fin de la guerre, à près de 32,000 hommes : division française de Failly, 8,000 ; — cavalerie française, 1,200 ; — cavalerie anglaise, 800 ; — artillerie anglaise et française, trois batteries ; — infanterie de marine, 200 ; — génie, deux compagnies ; — armée égyptienne infanterie et cavalerie, 18,000 ; — artillerie turque, trois batteries ; — environ 32,000 combattans.