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de la mer. Il lui écrivit de nouveau en insistant de plus en plus : « Votre affaire, lui disait-il, n’en peut que bien aller, et serons suffisans pour donner la bataille au roi de France. Si nous la gagnons, ce que j’espère Dieu aidant, vous vous en allez le plus grand homme qui oncques fut, et pourrez donner la loi à toute la chrétienté[1]. »

Lorsqu’il avait touché l’argent apporté par sir John Russell, il en avait remercié Henri VIII et lui avait écrit : « Monsieur, je vous supplie très humblement faire avancer votre armée par-deçà, et je mettrai peine de ce côté de vous aller voir en tirant de Lyon à Paris[2]. » Croyant alors à la diversion de l’armée anglaise et désirant pour la sienne un nouvel envoi d’argent, il écrivit à Wolsey que dans huit ou dix jours il aurait pris Marseille, et que, dans quinze au plus tard, il comptait être joint par les troupes de Catalogne. « Notre délibération, ajouta-t-il, est d’aller trouver le roi François, qui est par-deçà le Rosne avec son armée. S’il ne se renforce plus qu’il n’est à présent, j’espère que ferons un très bon service à l’empereur et au roi[3]. »

Avant de mettre en batterie les gros canons amenés de Toulon dans son camp, le duc de Bourbon proposa une conférence à Renzo da Ceri et à Brion, dans l’intention sans doute de leur persuader que toute résistance serait bientôt inutile et de leur offrir une capitulation avantageuse, alors qu’il en était encore temps ; mais Renzo et Brion refusèrent de s’aboucher avec lui : ils répondirent qu’ils n’entendaient traiter qu’à coups d’arquebuse et de canon. Cependant les Marseillais n’étaient pas sans inquiétude. Malgré l’opiniâtreté heureuse de leur défense et la vigueur persistante de leur résolution, ils craignirent à la longue d’être forcés, s’ils n’étaient pas secourus. Ils envoyèrent en députation auprès du roi deux d’entre eux, Pierre Cépède et Jean Bègue, pour l’informer de ce qu’ils avaient fait jusqu’alors, l’instruire de la reddition de Toulon, lui annoncer que la grosse artillerie destinée à protéger cette place avait été transportée au camp impérial, d’où elle allait battre Marseille et pouvait servir à la prendre, s’il n’accourait pas la dégager. Embarqués dans le port, les deux ambassadeurs de la ville assiégée prirent terre un peu avant l’embouchure du Rhône et s’acheminèrent vers François Ier. Ils le trouvèrent au milieu de son camp à Caderousse, un peu au-dessus d’Avignon.

Après des retards inévitables, et non sans de grandes difficultés,

  1. Lettre du duc de Bourbon à l’empereur du 15 septembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  2. Lettre du duc de Bourbon à Henri VIII du 31 août. — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 182.
  3. Lettre du duc de Bourbon au cardinal Wolsey du 19 septembre. — Mus. Britann. Vitellius, B. VI, f. 201.