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Le parlement lui ayant aussitôt répondu qu’il ne passerait outre à l’élargissement, mais qu’il voulait prononcer les arrêts de peur que le peuple ne murmurât et ne l’accusât de refuser justice, François Ier éclata de plus en plus. « À ce que nous voyons, lui écrivit-il de la route, vous estes délibérés persévérer dans votre erreur et préférer vos volontés particulières à notre honneur, service, et au bien de tout le royaume, voulant déclarer que vous avez fait justice et que nous voulons l’empêcher ; nous ne saurions le souffrir ni permettre, et pour ce nous vous mandons et défendons que vous n’ayez à autrement prononcer les dits arrests, ni élargir les dits prisonniers d’où ils sont, et n’y veuillez faire faute sur tant que craignez à nous désobéir et déplaire, autrement nous en ferons telle démonstration que en sera exemple aux autres[1]. » Il continua sa marche, et comme des trois citations exigées pour procéder au jugement régulier du connétable contumace, les deux premières avaient été faites dans ses états, François Ier écrivit sept jours après de Bourges de donner contre lui le troisième défaut, sans épuiser les délais et sans attendre son assistance[2]. Il voulait que le parlement se mît en mesure de le condamner comme rebelle, tandis qu’il allait le combattre comme ennemi public.

L’armée qu’il avait réunie dans la vallée du Rhône était considérable. Bien que les Suisses fussent mécontens de l’inexécution de ses promesses, qu’il eût à se plaindre de leur indiscipline croissante et de leur récent abandon, il avait demandé aux cantons et il avait obtenu d’eux une levée de plus de six mille hommes. Deux corps de lansquenets venus des bords de la Moselle et du pays de Gueldre, et placés sous le commandement de François de Lorraine et de Richard de la Poole, avaient fortifié son infanterie, à laquelle se joignirent plusieurs troupes d’aventuriers français. Ne voyant pas opérer de descente sur la côte de Picardie, il crut, la saison étant déjà avancée, qu’il ne serait attaqué ni par les Anglais ni par les Flamands, et il fit acheminer vers le sud du royaume la plus grande partie des hommes d’armes, avec La Trémouille, le comte de Guise et tous les vaillans chefs qui avaient défendu la frontière du nord-ouest contre l’invasion de l’année précédente. Il appela même auprès de lui le jeune roi Henri de Navarre, que le retour volontaire et le séjour prolongé de Charles-Quint au-delà des Pyrénées après la prise de Fontarabie laissaient sans inquiétude pour ses propres états, et qui vint le joindre avec une troupe de belliqueux Gascons. Réunissant ainsi de divers points une armée considérable, que les lenteurs des

  1. Lettre écrite le 10 juillet de Romorantin, Mss. Dupuy, f. 480 v°.
  2. Lettre du 25 juillet, ibid., f. 486.