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pour occuper Milan. Craignant que ce corps insuffisant ne fût repoussé par les impériaux, qui s’étaient introduits dans la ville, François Ier se mit en marche pendant la nuit avec toute l’armée, afin de le soutenir et de se rendre maître de Milan de vive force[1] ; mais les impériaux ne l’y attendirent point. Ayant promptement vu que la ville était trop dépeuplée et dans un trop pauvre état de défense pour qu’il fût prudent de s’y renfermer, Bourbon, Lannoy et Pescara aimèrent mieux la livrer sans combat que la faire prendre après avoir essuyé une défaite ; ils en sortirent donc par la porte de Como et par la porte de Rome au moment où les Français y entraient par la porte de Verceil. Ils se retirèrent vers Lodi et allèrent s’établir sur l’Adda.

François Ier prit possession de Milan, dont il confia la garde au seigneur de La Trémouille, qu’il y laissa avec trois cents hommes d’armes et huit mille hommes de pied. La supériorité de ses forces était si grande, qu’on le croyait prêt à redevenir le dominateur de l’Italie. En agissant vite, en portant à ses ennemis dispersés des coups sûrs en même temps que rapides, il pouvait s’emparer du Milanais et envahir ensuite le royaume de Naples. Les généraux de l’empereur ne semblaient point en mesure de s’y opposer. La belle armée qui avait fait en 1523 et en 1524 la double campagne de Lombardie et de Provence, qui avait battu Bonnivet et assiégé Marseille, était fondue ; les débris en étaient disséminées dans quelques places. On regardait les impériaux comme réduits à une complète impuissance. On avait plaisamment affiché sur la statue de Pasquin à Rome : « Il s’est perdu une armée dans les montagnes de Gênes ; si quelqu’un sait ce qu’elle est devenue, qu’il vienne le dire ! il lui sera donné une bonne récompense[2]. » La plupart des états italiens, y compris le pape, la seigneurie de Florence, la république de Venise, étaient prêts à délaisser l’alliance de Charles-Quint.

Le roi de France suivrait-il les impériaux vers Lodi pour les empêcher d’y attendre des renforts et de se refaire ? S’il poursuivait le dernier noyau de l’armée impériale sur l’Adda, s’il en rejetait les restes dans les états vénitiens, les places qui tenaient encore pour Sforza et que gardaient les soldats de Charles-Quint, perdant l’espérance d’un prochain secours, se rendaient, et l’empereur, abandonné par les princes italiens, était réduit à faire la paix en cédant le duché de Milan afin de conserver le royaume de Naples. Cette marche vers Lodi fut conseillée à François Ier par plusieurs de ses

  1. Prise de Milan, récit publié le 28 octobre 1524 par la régente à Lyon d’après les lettres qu’elle avait reçues du roi. — Captivité, etc., p. 31, 32, 33.
  2. Relation de Juan de Oznayo sur toute la campagne et la bataille de Pavie. — Documentes inéditos, etc., t. IX, p. 426.