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devant la ville bloquée du côté de l’ouest. Pendant qu’ils assistaient à ce siégé, le rusé châtelain de Musso, qui tenait le parti de Charles-Quint et de Francesco Sforza, s’était emparé par stratagème de la forteresse de Chiavanna, clef de leurs vallées sur le lac de Como. Épouvantés de la perte d’une position aussi importante et voyant leurs montagnes ouvertes, les chefs de la ligue grise avaient rappelé en toute hâte leurs compatriotes du camp de François Ier, afin qu’ils accourussent à la défense de leur pays menacé. Les Grisons n’hésitèrent point. Malgré les engagemens qu’ils avaient contractés et la solde qu’ils avaient déjà touchée, moins sensibles à l’idée de l’honneur qu’au sentiment de la sûreté, ils partirent sans se laisser arrêter par aucune représentation, sans écouter aucune prière, et ils laissèrent l’armée du roi affaiblie à la veille d’une bataille. Le jour même où ils quittèrent les retranchemens français pour retourner dans leurs montagnes, Antonio de Leyva sortit de Pavie avec une forte partie de la garnison ; il les attaqua vivement, les maltraita beaucoup sur leurs derrières, et rentra dans la place avec un butin considérable.

Ce ne fut pas le seul affaiblissement qu’éprouva François Ier. Un corps de troupes qui descendait des Alpes pour se rendre à son camp, s’étant arrêté sans précaution sur la Bormida, y fut surpris par les impériaux enfermés dans Alexandrie, battu, dispersé, détruit. Le délaissement des Grisons, la défaite du corps que faisait venir François Ier furent suivis d’une perte plus grave encore ; Antonio de Leyva, dans une de ses sorties, avait jeté le désordre parmi les Italiens des bandes noires et en avait tué un grand nombre[1]. Jean de Médicis voulut prendre sa revanche, et il attira la garnison enhardie dans une embuscade où elle eut beaucoup à souffrir ; mais un coup d’arquebuse lui brisa la jambe et le contraignit à quitter le camp. Sa blessure laissa sans chef la troupe qu’il commandait, et qui se dispersa en partie. Elle priva l’armée de l’homme de guerre qui ressemblait le plus à Pescara et qui pouvait le mieux lui être opposé.

Pescara, depuis qu’il était en face du camp de François Ier, ne lui avait pas laissé un instant de repos ; ses coups de main, bien dirigés,.avaient constamment réussi. Une nuit même, à la tête des arquebusiers espagnols, il avait pénétré dans un des bastions du camp, l’avait pris, y avait tué tous ceux qui le défendaient, et s’était retiré en bon ordre après en avoir encloué les canons, ou les avoir jetés dans le fossé[2]. Cependant, malgré leur présence et leurs succès, les impériaux ne parvenaient pas à délivrer Pavie. Cette ville avait soutenu un siège de quatre mois, et tout y était épuisé ; elle se trouvait

  1. Tœgius, à la date du 16 février. — Du Bellay, p. 482-483.
  2. Relation, etc., de Juan de Oznayo. — Documentes ineditos, etc., t. IX, p. 446. — Tœgius.