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mais l’avenir était pour Athènes : elle dut à l’une sa liberté et sa fière démocratie, à l’autre sa puissance et l’empire de la Grèce. La génération à laquelle appartenait Phidias fut élevée à l’école du malheur et de l’héroïsme. Elle y puisa l’amour de la patrie, la soif de la gloire, les passions les plus généreuses ; ce souffle en un mot qui anime un grand siècle. L’enfance de Phidias fut bercée par les récits de la bataille de Marathon et par les fables qu’y mêlait l’imagination enivrée des Athéniens. D’un côté, cette multitude de barbares couverts de costumes étranges et d’armes magnifiques ; de l’autre, une poignée d’hommes qui accomplit des exploits dignes de l’épopée ; c’était là un tableau dont, quatre cents ans plus tard, l’orgueil national ne s’était point encore lassé.

À peine entré dans l’adolescence, Phidias quitta Athènes avec sa famille et le peuple entier pour se réfugier à Salamine : de là il vit les flammes qui dévorèrent sa patrie, puis l’immortel combat qui la vengea. Bientôt ce furent les douleurs du retour, les larmes devant les débris fumans de la maison paternelle, et soudain cet élan qui fit oublier aux vieillards, aux femmes, aux enfans, leurs propres misères, pour courir aux murs de la ville et les relever contre les menaces de Sparte. Peu à peu Athènes rebâtie appela dans son sein l’ordre, le bien-être, la richesse ; ses flottes victorieuses lui apportèrent d’abondantes dépouilles ; sa puissance, en s’agrandissant, lui assurait d’immenses ressources, et ses alliés, devenus ses tributaires, étaient prêts à payer sa splendeur. Bientôt allait s’ouvrir pour les artistes une ère de travaux innombrables. Tout était à créer, puisque tout était détruit. Où trouver assez de bras, assez de talens, assez de génie ? Phidias parut à temps.

On s’est demandé si la sculpture n’était pas un art héréditaire dans la famille de Phidias, et s’il ne fut pas l’élève de Charmidès, de même que Socrate le fut de son père Sophronisque. Bien que les exemples de cette hérédité de profession soient fréquens dans les écoles de la Grèce et même dans les écoles de tous les temps, rien ne prouve qu’elle ait existé dans la famille de Phidias. Au contraire nous le voyons suivre les leçons de maîtres étrangers et se vouer à la sculpture par préférence et non par tradition, car il commença par étudier la peinture. Ses deux frères, Panœnus et Plistaenète, furent peintres également, de sorte qu’il serait naturel de se demander pourquoi le père de Phidias n’aurait pas été peintre plutôt que sculpteur. Si l’on songe que Michel-Ange dédaignait aussi son talent de peintre, et que nous devons le Jugement dernier à la violence que lui fit Bramante, on s’étonnera moins de l’inconstance de Phidias. La sculpture promet en effet aux génies puissans une imitation plus complète et des types plus grandioses. Un tableau reproduit leur