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pommes de terre, ont en 1852 sévi dans une proportion également ordinaire sur ces tubercules. Or, s’il en est ainsi, quel est l’état normal de la culture des pommes de terre dans le département du Cantal ? Voici ce que répond la Statistique. — On y sème par hectare 13 hectolitres 50 de pommes de terre, et on en récolte 25 hectolitres 72, pas même 2 hectolitres pour 1, c’est-à-dire que chaque pomme de terre semée n’en produirait pas deux de bonnes, et pour obtenir ce résultat, qui, au prix indiqué, donne 88 fr. 21 c. de recette, on dépense :

134 fr. de frais de culture,
46 fr. 30 c. de valeur des tubercules semés,
23 fr. de fermage d’un hectare (troisième classe).
Soit 203 fr. 30 c.[1].

Voilà, il faut en convenir, et quoi qu’en dise la Statistique, un état de choses assez peu ordinaire ! L’administration actuelle cherche à encourager l’agriculture : elle n’a pas encore, il est vrai, fait disparaître les déplorables obstacles qui, sous forme de droits de douane à payer, nuisent à l’amélioration du sol en nuisant à l’introduction des guanos ; mais elle a multiplié les comices, les expositions, les primes, et tenté d’autres efforts. N’est-on pas en droit de se demander si la publication de pareils chiffres est bien de nature à concourir au même résultat ?

Plus que toute autre profession, l’agriculture attache l’homme au sol et développe l’amour de la patrie ; plus que l’industrie, elle maintient la vie de famille en rapprochant dans le même travail, en vue du même salaire, le père et les enfans ; plus que l’industrie également, elle conserve sains le corps et l’âme de ses ouvriers, parce qu’elle leur enseigne l’économie, l’ordre, la patience, et qu’elle les place sans cesse en présence de Dieu et de son pouvoir. Toutes ces considérations morales suffiraient-elles cependant à contre-balancer le découragement que les chiffres en question devraient faire naître, s’ils étaient vrais ?

Sans se dissimuler la crise que subit actuellement notre agriculture, il ne faut point l’exagérer. C’est la vérité seule qu’il faut dire ; et la vérité n’est pas dans ces étranges tableaux. La vérité, c’est que, même en rétablissant les rendemens exacts de nos cultures, nous ne produisons pas encore tout ce que nous pourrions produire, parce que nous ne donnons pas assez de fumiers à nos terres, et que plus on récolte sur le même espace de terrain, les frais généraux, les semailles et la moisson restant les mêmes, plus on réalise de bénéfice : d’où il résulte qu’il y a intérêt pour tout le monde à mieux cultiver plutôt qu’à cultiver davantage. La vérité encore, c’est que, la mauvaise culture donnant peu de bénéfices, la plupart de nos cultivateurs n’ont pas pu, comme l’exigeaient les nouvelles conditions faites au salaire par l’accroissement de la richesse générale, par l’abondance

  1. Sans compter les fumiers, les frais généraux, l’impôt, etc.