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département n’aurait-elle pas dû indiquer quelles sont celles de ces cultures diverses qui jouent le principal rôle ? Nous aurions ainsi été renseignés sur le développement que prennent dans certaines localités la production du tabac, celle de la chicorée, de la garance, etc., cultures pour plusieurs desquelles la Statistique agricole de 1840 n’avait pas dédaigné d’établir des tableaux spéciaux. Or les plantes industrielles, qui demandent beaucoup de main-d’œuvre et absorbent beaucoup d’engrais, jouent maintenant en France, du moins dans certains départemens, un rôle assez considérable pour qu’on entre à cet égard dans tous les détails.

La Statistique de 1840 et celle de 1853, en cela semblables l’une à l’autre, ont le tort grave de s’être bornées à des chiffres. En Belgique, où des travaux analogues ont été publiés, on a eu le soin d’expliquer par une foule de notes, par des pages entières de texte intercalées de distance en distance, tout ce que les chiffres ne pouvaient pas dire sur les sujets en étude. Les conditions de climat et de sol, les habitudes des populations, les débouchés et les ressources, bien d’autres points encore également importans, ne peuvent pas se traduire en chiffres, et cependant ne doivent pas être omis par une statistique agricole. Des chiffres seuls ne sont toujours ni assez clairs ni assez explicites ; ils finissent même par devenir étrangement arides, quand ils se succèdent en tableaux non interrompus pendant plusieurs volumes. Certaines enquêtes du genre de celle qui nous occupe ont été faites aussi en Angleterre et en Prusse, et ensuite éditées, comme la statistique belge, en volumes mi-partie texte, mi-partie chiffres. C’est dans ces conditions seulement qu’un semblable travail peut être utilement consulté par le public auquel il s’adresse. Tant qu’il se borne à être une simple agglomération de chiffres, beaucoup de lecteurs n’y comprennent pas grand’chose, et plusieurs de ceux qui l’étudient y trouvent, des inexactitudes apparentes qu’il eût été facile et désirable de rectifier[1].

C’est surtout en ce qui concerne les animaux domestiques que quelques mots d’explication auraient souvent rendu les plus grands services. En effet, il ne suffit pas, pour qu’un travail soit important, d’accumuler des chiffres les uns à la suite des autres sur plusieurs centaines de pages ; il faut encore, quand ces chiffres ne parlent pas assez d’eux-mêmes, en faciliter l’intelligence au lecteur. Je veux bien admettre, par exemple, qu’il y ait dans l’arrondissement de Jonzac (Charente-Inférieure) 73 béliers de races perfectionnées, mais je ne puis pas admettre sans explication que ces 73 béliers n’aient pu produire que 49 agneaux. Ordinairement un bélier suffit à plusieurs

  1. Ainsi on trouve sur les tableaux de la Statistique agricole des arrondissemens pour lesquels ne figure aucune plantation de noyers, châtaigniers, oliviers ou pommiers, et qui cependant sont déclarés produire du cidre, de l’huile ou des fruits en quantités considérables. Ces inexactitudes apparentes tiennent sans doute à ce que beaucoup d’arbres à fruits utiles sont, dans certaines provinces, plantés en bordure le long des champs et non pas réunis dans un même terrain exclusivement consacré à cette culture ; mais tout le monde ne sait pas cela, tandis que tout le monde remarquera les apparentes contradictions que je signale.