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mauvaise qualité, mais les procédés qui devaient en rendre le maniement commode et rapide n’étaient pas même inventés. L’usage des cartouches, tombé en désuétude après la mort de Gustave-Adolphe, ne fut repris que dans la seconde moitié du XVIIe siècle. La platine à silex se substitua définitivement vers la même époque dans tous les pays civilisés aux anciennes platines à mèche et à rouet, dangereuses ou gênantes, et d’un service peu sûr. Ces procédés arriérés se sont si bien conservés dans quelques contrées, qu’aujourd’hui même les Arabes ne savent point préparer les cartouches, et lors de la conquête d’Alger, en 1830, des fusils à mèches figuraient encore entre les mains des combattans accourus sous la bannière du dey. L’adoption des cartouches et de la platine à silex constituait un très grand progrès pour les armes à feu, mais il était insuffisant pour en rendre l’usage tout à fait général, car les fusiliers ne pouvaient être d’aucune utilité aussitôt que l’infanterie en venait aux mains. Il fallait entremêler leurs rangs de piquiers, et une moitié des soldats étaient presque toujours sans emploi. Pour sortir d’une inaction qui leur pesait, ils imaginèrent de réunir les deux armes : ils rognèrent des piques dont ils introduisirent le manche dans le canon du fusil. Quoique peu commode, ce procédé resta pendant des années le seul en usage ; mais à force d’essais auxquels participèrent presque tous les généraux illustres du XVIIe siècle, on parvint à donner aux armes à feu tous les avantages des armes blanches. Vers 1689, la baïonnette à douille fut inventée, et la guerre de la succession d’Espagne vit pour la première fois toute l’infanterie française armée de ce fusil à pierre et à baïonnette dont elle se servait encore il y a vingt ans.

L’arme donnée aux troupes par Louis XIV n’a subi, en effet, presqu’aucune modification jusqu’au règne de Louis-Philippe. En 1840, on supprima la platine à silex, qui fut remplacée désormais par la platine à percussion. Ce changement rencontra beaucoup d’opposition, et malgré les avantages évidens du nouveau système, bien des personnes témoignèrent la crainte que le soldat ne pût parvenir à manier, dans l’émotion du combat, des objets aussi minimes que les capsules. L’expérience a fait voir combien cette crainte était chimérique, et toutes les nations de l’Europe imitèrent alors la France, comme elles l’avaient fait au siècle précédent en adoptant le fusil à silex, comme elles le font encore aujourd’hui en remplaçant partout les anciens fusils par des armes carabinées. Presque toujours notre patrie a pris ainsi l’initiative de l’amélioration des armes à feu ; mais elle a été suivie de si près, qu’elle n’a jamais joui longtemps de cette supériorité d’armement, fruit de ses recherches et de ses efforts.