Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/812

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du cabinet et auquel les membres du club demandaient avec une grande curiosité ce qu’il se proposait de faire. « Je n’en sais rien, répondit-il, je n’ai pas encore lu les journaux. » Le lord voulait se moquer ainsi de la libéralité avec laquelle les journaux anglais lui prêtaient chaque matin toute sorte d’intentions.


III

On a vu ce que sont les modernes club houses ; il faut indiquer maintenant le mode d’admission. Ces établissemens ressemblent au royaume des cieux : on compte en dehors plus d’appelés que d’élus. Malgré le grand nombre de club houses qui se sont élevés dans ces derniers temps et qui s’élèvent encore tous les jours à Londres, les candidats continuent d’affluer et assiègent de leurs demandes le seuil de ces palais, où trône une sévère économie sous le masque du luxe. Sur la liste des aspirans au Junior United service, on ne lit souvent pas moins de deux mille noms. À chaque vacance, un jour est fixé pour le scrutin. On exige surtout des gentlemen qui se présentent au concours un caractère honorable. Dans quelques clubs, une boule noire sur dix, dans d’autres une seule boule noire sur la totalité des votes suffit à faire rejeter un candidat. Certains de ces établissemens ont l’habitude d’afficher dans le coffee room la liste des noms repoussés ; mais une telle mesure, qui publie et prolonge la défaite, est généralement blâmée. Le candidat malheureux se console le plus souvent, il est vrai, en mettant sa disgrâce sur le compte de la concurrence, et puis, comme la société anglaise se divise en séries, tel qui a échoué devant le scrutin d’un club peut réussir auprès d’un autre club mieux approprié à ses titres, à sa carrière et à ses relations dans le monde. Une fois admis, il ne lui reste plus qu’à payer un droit d’entrée qui varie selon les associations et à se conformer aux statuts du club. Ces règles diffèrent plus ou moins d’après le caractère du club ; mais il est une règle générale : « aucun membre ne doit amener son chien dans la maison. »

Le grand nombre de clubs qui existent à Londres, — et je ne les ai point nommés tous[1], — proclame assez combien ces institutions répondent à un besoin social et au caractère britannique.

  1. Le succès de ces hôtels ouverts durant le jour et une partie de la nuit aux associés a fait naître l’idée d’étendre la base de l’organisation nouvelle à toute la vie domestique. En 1838 s’inaugura dans Regent-street un joli monument connu sous le nom de Club chambers. Ces chambres, au nombre de soixante-dix-sept, sont séparées les unes des autres, mais construites néanmoins de telle sorte qu’elles puissent se relier en des logemens de deux ou trois pièces selon la volonté des abonnés. Il y a en outre au rez-de-chaussée une salle de lecture, un café et une salle à manger desservie par une cuisine commune. Des économistes anglais ont même proposé d’embrasser une centaine de ménages dans une semblable association.