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sarmenteuse, et les savans seuls persistent à qualifier de parasite un végétal des plus utiles. L’exportation de 1858 a été de 1,917 kilog. valant 306,000 francs. De tels succès ont permis de supprimer les primes d’encouragement fondées en 1853. Les habitans, ravis d’une conquête qui réalise à un haut degré ce beau idéal de l’utile joint à l’agréable, n’ont plus d’autre souci que de préserver le vanillier d’un insecte qui le menace, et de prévenir, par l’extension des débouchés et des emplois, l’abaissement de prix que provoquerait une production supérieure aux besoins.

On a vu quels malheurs ont frappé le giroflier, bel arbre en pyramide, aux panicules de fleurs roses et odorantes, un des plus élégans et des plus beaux de l’archipel indien, introduit à Bourbon en 1767 par le célèbre intendant-général Poivre avec beaucoup d’autres espèces végétales qui ont rendu son nom cher au souvenir des créoles. En peu d’années, les girofliers devinrent l’un des ornemens et des trésors du pays : temps regretté ! l’arbre coûtait peu et rapportait beaucoup. Le clou, qui est le bouton desséché de la fleur, exporté en Asie par une dérogation exceptionnelle au monopole métropolitain, servait de retour aux navires qui importaient du riz de l’Inde. Les ouragans ont détruit cette prospérité, fort ébranlée déjà par la concurrence du sultan de Zanzibar, qui a multiplié les girofleries dans des conditions de bon marché que le despotisme seul peut se procurer. La chimie même a fait tort au girofle en inventant, pour la teinture des tissus, des mordans minéraux qui dispensent des épices aux pénétrantes saveurs. Le kilogramme, qui valait jadis de 12 à 16 francs, est tombé à 80 et 90 centimes. Adieu les rêves de fortune ! Il n’est resté de fidèles au giroflier que les plus modestes propriétaires, à qui tout changement d’exploitation, même avantageux, est une charge trop lourde pour leurs finances. L’exportation pour la France, qui en 1849 était encore de 728,000 kilogrammes, n’a plus été en 1858 que de 21,000.

Le tabac compterait au nombre des articles d’exportation, si les manufactures impériales de France lui montraient quelque bienveillance. Au début de la colonie, il fut la première et resta quelque temps la seule matière d’échange ; il servait même de monnaie. Longtemps comprimé par le monopole d’une régie locale ou éclipsé par le triomphe du café et de la canne à sucre, il se relève avec une certaine fermeté confiante. En 1856, on ne comptait pas moins de 627 hectares de plantations, produisant 300,000 kilogrammes de tabac, qui se plaçaient à bon prix sur les lieux comme tabac, à fumer.

Parmi les denrées que l’Europe importe de l’Orient, Bourbon a cultivé encore en divers temps le poivrier de Malabar, le muscadier et le gingembre des Moluques : tous ces végétaux ont été supplantés par la canne à sucre. Le même sort attend probablement le thé de