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de l’empire romain recommence : le luxe et les vices de Rome boivent les sueurs de toutes les provinces.

Si jamais le gouvernement français tient à honneur d’écarter cette analogie, il devra remanier toutes les institutions coloniales de la base au sommet. La réforme est aisée à tracer : organiser les municipalités sur la base élective, et si le suffrage universel ne paraît pas aussi infaillible au loin que de près, rétablir des conditions de cens, de domicile, de capacité, au besoin même le suffrage à deux degrés : toutes les dérogations partielles au principe seront moins graves que la confiscation absolue d’aujourd’hui. Les conseils-généraux seront institués sur une base pareille, avec une durée suffisante pour qu’ils ne fassent pas regretter les conseils et les assemblées d’autrefois. La représentation de l’agriculture obtiendra la permanence comme celle du commerce. La délégation, émanée aujourd’hui du conseil-général, sortira d’une élection plus large, et sera dotée d’attributions plus sérieuses qu’un simple avis à donner au ministre, quand il lui plaît de le demander. Les colonies regrettent toutes le droit dont elles ont joui, quelques années après 1789 et en 1848, d’envoyer des députés au corps législatif, autant pour y avoir des défenseurs compétens de leurs intérêts que comme témoignage d’adoption par la métropole. C’est un droit à leur rendre. Ranimées par la vie politique et administrative, elles offriraient un champ d’activité aux intelligences et aux légitimes ambitions, au lieu de déchoir de plus en plus, sous l’étreinte de la centralisation, au rang de simples comptoirs ou de fermes.

Ainsi mise en possession de toutes ses forces matérielles et morales, La Réunion subviendra-t-elle, en état de paix, à ses besoins, et pourra-t-elle, en cas de guerre, résister à un ennemi ? ou devra-t-elle faire appel à la métropole, et dans quelle mesure ? Est-elle une charge, est-elle un bénéfice pour la France ? À ces dernières et capitales questions, qui surgissent à propos de toute colonie, La Réunion est une de celles qui ont à faire la réponse la plus satisfaisante.

Le budget colonial, composé de toutes les recettes locales, monte à 5 millions environ, et suffit à toutes les dépenses mises à la charge de la colonie. Il ne reste au compte de l’état que celles afférentes à la souveraineté et à l’administration politique : elles montent à 3 millions au plus[1]. Pour s’en couvrir, l’état grève les produits de la colonie, à leur entrée en France, de taxes qui, en 1858, ont rapporté au trésor plus de 23 millions. Reste un bénéfice net de 20 millions.

  1. Cette somme se décompose en 2,313,380 fr. inscrits au budget de l’Algérie et des colonies, — 246,848 fr. pour la solde des troupes, inscrits nu ministère de la marine, — le reste pour la part de la colonie dans les frais généraux de l’administration métropolitaine.