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ou six ans aux canons Lancastre, et de la grande portée qu’on avait réussi à leur donner. Comme pour les carabines, ce résultat était dû à la rotation imprimée au projectile. Seulement l’âme, au lieu d’être munie de rayures hélicoïdales, était contournée elle-même, et le boulet, de forme ovoïde, faisait un quart de révolution autour de, son petit axe avant de sortir de la bouche à feu. Une telle disposition était une cause grave d’accidens. Le boulet, pressé obliquement, pouvait s’arc-bouter de telle sorte qu’il devînt impossible de le faire entrer ou sortir ; c’est ce qui est arrivé : au bout de quelques coups, toutes les pièces envoyées en Crimée éclatèrent ou se trouvèrent hors de service. C’était un résultat peu encourageant, et force fut de revenir aux rayures.

Les efforts tentés en France et en Angleterre ont été depuis lors couronnés de succès, et ils ont conduit à deux solutions principales du problème, sans compter plusieurs modèles, qui n’ont pas paru, jusqu’à présent du moins, offrir des avantages suffisans. L’idée française a surgi la première, et la première aussi elle a été mise à exécution. On la doit au colonel Treuille de Beaulieu, directeur de l’atelier de précision, où se font tous les modèles régulateurs qui servent dans les arsenaux. Sous son habile direction, cet établissement est devenu aussi un centre d’expérimentation sur les perfectionnemens à introduire dans l’artillerie, analogue à ce que l’école de tir est pour les petites armes. Après plusieurs essais, le colonel Treuille de Beaulieu a résolument adopté les rayures inclinées et régulièrement placées, afin de bien centrer le mouvement de rotation. Trois rayures pourraient suffire à la rigueur ; mais ce nombre a été porté à six pour le canon de campagne. Le boulet est allongé, et il a, comme la balle des carabines, la forme ogivo-cylindrique. Quoiqu’il soit creux comme les obus, il pèse, d’après les dimensions fixées, à peu près le double d’un boulet rond de même diamètre, et son épaisseur lui donne toutes les qualités d’un boulet plein. À sa circonférence, il porte des entailles ou mortaises dont la position répond à celle des rayures, et qui servent à fixer des ailettes d’un métal assez doux pour ne pas dégrader la pièce, assez consistant pour ne pas être arraché avant d’avoir dépassé la tranche de la bouche à feu. Le zinc et l’étain satisfont assez bien à ces deux conditions. Ces ailettes, en suivant les rayures, déterminent le boulet à prendre autour de son axe un mouvement de rotation qui le garantit des déviations et des retards que les projectiles ordinaires éprouvent dans leur course. Il a fallu de nombreux essais pour déterminer l’inclinaison des rayures, la forme et la position des ailettes les plus capables de retarder l’usure toujours trop rapide de la bouche à feu. On avait pensé d’abord qu’il suffirait d’une ailette pour chaque rayure, mais le boulet n’a point alors une position assez assurée,