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se trouva nombre de gens pour exploiter cette curiosité à leur profit. Ces effets, assuraient-ils, étaient dus à une composition particulière, que Congreve entourait d’un profond mystère, et qu’ils offraient de vendre à beaux deniers à chaque gouvernement. Des recherches consciencieuses ont été faites pour découvrir la valeur de ces allégations, et quoique les résultats n’en aient pas été publiés, il est à peu près avéré qu’ils ne cachent aucun secret, et que la force motrice des fusées est due simplement à de la poudre en galette. Toutes les fusées de guerre sont donc formées des mêmes ingrédiens que les fusées d’artifice, dont elles ne diffèrent que par les dimensions et par le boulet ordinairement creux qu’elles entraînent avec elles. Ce point admis, il restait encore bien des difficultés à vaincre pour donner à ces nouveaux engins une force motrice suffisante, surtout pour rectifier cette marche irrégulière et sinueuse qu’on leur connaît. La force d’impulsion dépend de la quantité de composition brûlée à chaque instant, ou, ce qui revient au même, de l’étendue de la surface enflammée. Pour l’augmenter sans avoir des cartouches de dimensions exagérées, on a dû adopter la forme d’un cylindre creux dont tout l’intérieur brûle à la fois. La combustion successive fait que cette surface va toujours en croissant, et l’augmentation de force motrice qui en résulte s’ajoutant à celle déjà produite, la vitesse de la fusée, faible à son origine, suit une progression rapide. C’est l’inverse de ce qui arrive pour les projectiles ordinaires, et cette circonstance a un résultat fâcheux, car au début de sa course la fusée se trouve exposée sans défense à toutes les influences perturbatrices, et la moindre déviation angulaire survenant alors peut la rejeter dans une direction très divergente après un parcours de quelques centaines de mètres seulement. Pour donner à la baguette une action plus régulière, on la place sur l’axe même de la fusée, non sur le côté comme dans les feux d’artifice, mais elle est reliée à la cartouche par trois branches transversales. Cette cartouche est en forte tôle, solidement soudée pour résister à l’expansion du gaz ; elle porte l’obus à sa partie antérieure, position reconnue la plus favorable à la conservation de la vitesse. Il en résulte, quelque soin que l’on prenne pour équilibrer tout l’appareil, que la combustion dérange la position du centre de gravité et fait pencher la fusée en avant, car les obus lancés au moyen des fusées sont aussi lourds que ceux des pièces de bataille, et l’on pourrait même en augmenter le poids sans les empêcher d’atteindre des portées de 4 ou 5,000 mètres.

Le général Congreve avait vu dans la guerre des Indes les natifs faire usage de fusées, et il avait dès lors conçu l’idée d’en augmenter la puissance pour obtenir des effets plus réels que ceux dont il était témoin. Lorsqu’il crut ses expériences assez concluantes, il en