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se chargea volontiers de cette commission, et Ginetti reçut le jeune Mazarin en qualité de secrétaire de légation. » Ce serait donc sous les auspices de l’un des plus habiles diplomates qu’ait eus le saint-siège, que Mazarin serait entré dans la diplomatie ; mais il est une version plus naturelle et plus accréditée. Quand s’éleva la grande affaire du Montferrat et de Mantoue, la cour pontificale s’efforça de conjurer le sanglant orage qui se préparait, et pour la représenter dans cette difficile conjoncture, elle fit choix de l’homme qui connaissait le mieux les intérêts et les dispositions des diverses puissances de la Haute-Italie, où il avait déjà rempli une fonction à peu près semblable. Cet homme n’était pas le cardinal Ginetti, mais François Sacchetti. L’ancien commissaire apostolique fut nommé nonce extraordinaire à Milan et à Turin, et il demanda qu’on attachât à sa nonciature et qu’on lui donnât pour secrétaire celui dont il connaissait si bien les talens, son jeune ami le docteur en droit et capitaine Mazarin. Voilà comment, selon tous les historiens[1], Mazarin entra, en 1628, à vingt-six ans, dans la carrière pour laquelle il était né, et où il s’est fait un nom immortel.


III

Vincent II[2], duc de Mantoue et de Montferrat, allait mourir sans enfans, ne laissant qu’une nièce dont le sexe énervait le droit. Après elle, le parent le plus proche était Charles de Gonzague, premier du nom, dont le père, Ludovic, était venu s’établir en France et y avait acquis le duché de Nevers et de Rethelois. Le droit de Charles était certain ; mais, comme ce droit donnait une couronne italienne à un prince en apparence français, l’Espagne le contestait, et mettait en avant un autre parent de Vincent II, d’un degré bien plus éloigné, le duc de Guastalla, qui était tout à fait dans sa dépendance et l’aurait rendue presque aussi puissante à Mantoue qu’à Milan. La France n’abandonna point le duc de Nevers, et Richelieu montra ici son adresse et sa vigueur accoutumées. Un agent français, envoyé dans le plus grand secret à Mantoue, persuada au duc mourant de reconnaître lui-même pour son héritier Charles de Gonzague, à la condition que le fils aîné de celui-ci, le jeune duc de Rethelois, épouserait la princesse de Mantoue, en sorte que toutes les prétentions légitimes se trouveraient confondues et fortifiées.

  1. Voyez Benedetti, Priorato, etc. — A compter de ce moment, le mémoire anonyme nous abandonne, mais nous le retrouverons un peu plus tard.
  2. Voyez, pour tout ce qui suit, les mémoires de Richelieu, t. V et VI, dans la collection Petitot, et l’Histoire du Règne de Louis XIII, du père Griffet, la fin du t. Ier et le commencement du t. II.