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à Augur, à Sullutpore comme à Gwalior même, s’était soulevé, circonstance notable, malgré le prince dont il reconnaissait les droits héréditaires. Le maharajah effectivement, devenu le protégé des Anglais dès 1843 et formé dès son plus jeune âge à son rôle de sujétion royale, éprouvait d’ailleurs la répulsion de tout bon Mahratte contre la race musulmane, dont la révolte, partie de Delhi, semblait devoir, en cas de succès, rétablir la suprématie. Le premier coup de sir Colin Campbell fut donc porté contre cette petite armée, bien disciplinée et pourvue d’une artillerie nombreuse. La rencontre eut lieu sous les murs mêmes de Cawnpore le 6 décembre 1857[1]. Le contingent de Gwalior fut contraint à battre en retraite dans un grand désordre, et le général sir Hope Grant, détaché à sa poursuite, lui enleva la plus grande partie des canons qui avaient pu, sur le champ de bataille même, échapper aux charges des Anglais.

Une seconde opération préliminaire dut être tentée avant de marcher vers Lucknow. Futtehghur était encore au pouvoir ; de l’insurrection. Le nawab à qui elle avait provisoirement décerné l’autorité suprême était noté pour ses crimes abominables et pour le nombre d’Européens qui tour à tour avaient été accrochés à la potence établie en permanence aux portes de son palais. De plus, il existait à Futtehghur, en affûts d’artillerie et en vêtemens militaires, d’immenses approvisionnemens dont il était fort utile de s’emparer au début de la campagne. Les diverses colonnes qui battaient le pays reçurent donc ordre de rallier l’armée anglaise sous les murs de cette ville ; leur jonction eut lieu dans les premiers jours de janvier. Le 3, sir Colin Campbell rencontra les révoltés, qui venaient, en rase campagne, lui disputer audacieusement les approches de Futtehghur ; il les battit, leur tua beaucoup de monde, et leur prit douze canons. Le lendemain, il entrait vainqueur à Futtehghur, d’où le nawab s’était enfui après avoir, on ne sait trop pourquoi, fait sauter son magnifique palais, tandis qu’il laissait intacts des approvisionnemens précieux pour ses ennemis. Un de ses principaux agens et l’instigateur bien connu de ses mesures les plus sanguinaires, un certain Nazir-Ali-Khan, fut livré par les habitans de Futtehghur, et faillit être arraché, dès son arrivée au camp, par les marins de la brigade navale[2]. Il la justice prévôtale anglaise, bien expéditive cependant, mais trop lente au gré de ces rudes canonniers.

  1. Nous renvoyons, pour les détails militaires de ce combat, assez intéressant parce qu’il fut vigoureusement disputé, à l’ouvrage du colonel Bourchier (Eight Months Campaign, etc., chap. XII, p. 162 et suiv.). Ce volume est accompagné de plans fort exacts, et que les écrivains spéciaux consulteront avec fruit.
  2. Commandée par William Peel (le fils de sir Robert), officier des plus remarqués, mort quelques semaines plus tard.