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qu’une fois, en 1850 ; depuis lors, les blés se sont constamment tenus plus haut, 53, 72, 74, 69 shillings, suivant l’état des récoltes ; en 1848, en pleine abondance, on payait le quarter 44 shillings. L’agriculture ne saurait se montrer mécontente de ces prix, accompagnés de rendemens supérieurs, et d’autre part la population y acquiesce ; elle sait qu’elle paie les choses ce qu’elles valent, rien de plus, rien de moins ; elle n’a plus motif de s’en prendre à personne, et la plainte cesse là où cesse l’abus. L’accord s’est fait ; l’usage de la liberté en a donné le goût à ceux qui y résistaient le plus.


IV.


M. Cobden et ses amis pouvaient être fiers d’une révolution qui était en grande partie leur œuvre ; il semblait qu’ils n’eussent plus qu’à la voir tranquillement se développer. Un souci leur restait pourtant, et ils ne s’en cachaient pas. Cette richesse naturellement venue ne pouvait être féconde qu’à la condition d’un bon emploi. Ils craignaient surtout qu’on ne la dissipât dans les fantaisies que se permettent les états où les ressources abondent, dans la guerre principalement, de toutes les fantaisies la plus coûteuse. Ils avaient à ce sujet des idées aussi arrêtées, aussi absolues que celles dont ils s’étaient inspirés pour la réforme des tarifs. De là une campagne nouvelle qui fut une série d’échecs, comme l’autre avait été une série de victoires. Dans la première, ils suivaient le courant de l’opinion ; dans la seconde, ils voulaient le remonter. Était-ce le cas, après avoir gagné une bonne partie, d’en engager une mauvaise ? Ne valait-il pas mieux, sinon pour soi, du moins pour la cause commune, garder intactes l’influence et l’autorité acquises ? N’y avait-il pas de l’imprudence au moins à quitter le terrain solide des faits pour se jeter dans les spéculations imaginaires ? En parlant du travail, de ses lois, de ses conditions, M. Cobden et ses amis étaient dans leur sujet ; ils en connaissaient la langue, les élémens ; ils avaient pour eux l’expérience et le droit, ils défendaient leur domaine. Dans les redoutables questions de paix et de guerre, ces avantages s’effaçaient ; ils n’avaient plus ni la même force, ni les mêmes titres, ils couraient vers les aventures, eux qui jusqu’alors s’en étaient si bien défendus ; ils montraient une prétention plus haute que leur nom et leur crédit. Qu’apportaient-ils à cette éternelle dispute, où les plus robustes intelligences ont bronché ? Quelques vues morales, une pensée chrétienne, des calculs ingénieux, tout ce que la tribune et la chaire ont répété bien des fois, et avec une éloquence toujours déçue : rien de nouveau dans tout cela, même en y faisant à l’intérêt une part plus grande qu’au sentiment.