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cée, on alla fatalement jusqu’au bout. Tel est le souci de M. Cobden ; il voit dans le présent des symptômes dont le passé lui démontre la gravité, les récriminations, les armemens ruineux, les notes blessantes, et il se dit qu’à persister on serait conduit au même dénoûment. Cette conviction acquise, il n’a point hésité ; il s’est mis du côté de l’intérêt et de la justice contre des passions qui lui paraissaient irréfléchies.

Longtemps avant que la guerre ne sévît, il avait attaqué l’esprit de guerre. En 1849, il vint à Paris pour assister à un congrès de la paix qui se tint dans la salle Sainte-Cécile. Au milieu des phrases prétentieuses et vides qui s’y débitaient, il sut rester simple, naturel, et prononça en français deux discours qui avaient au moins l’avantage de conclure. L’un traitait du désarmement naval, et prouvait que ce duel de préparatifs qui dure toujours sans jamais se vider, et où chaque peuple cherche à prendre l’avance, est à la fois une duperie et une ruine. L’autre discours roulait sur les emprunts de guerre et proposait, pour les frapper d’impuissance, un moyen plus ingénieux que solide : c’était de s’en tenir systématiquement éloigné. Plus tard, à Londres, il revint sur son idée en l’appliquant à un emprunt autrichien qui s’y était ouvert ; il la reproduisit obstinément dans plusieurs réunions publiques, et pour tous les subsides qui avaient une prise d’armes pour objet. L’argent ne se montra point docile ; il continua à ne consulter que sa propre convenance et à chercher ailleurs que dans la politique le mérite et la règle de ses placemens. M. Cobden en fut pour ses philippiques ; il ne se découragea point et porta devant le parlement la partie de ses plans qui était la plus susceptible d’y être accueillie. Il ne représentait plus un bourg, mais un comté. Pourvu d’un double siège, il avait, sur le conseil de ses amis, opté pour le West-Riding du Yorkshire, l’une des plus vastes circonscriptions de l’Angleterre. Il parla dès lors avec d’autant plus d’autorité qu’il avait derrière lui un corps plus nombreux. Devant la chambre, réunie en comité de finances, il fit en 1851 la motion formelle d’ouvrir, entre la France et l’Angleterre, une négociation pour fixer, de part et d’autre, une limite aux armemens. Il ajouta qu’on s’exagérait les difficultés de l’exécution, qu’il y aurait dans tous les cas profit à les discuter. Il indiqua, comme exemple, ce qui s’était passé, entre le Canada et les États-Unis, au sujet des lacs limitrophes, où le nombre des bâtimens et le partage des eaux avaient été réglés à l’avantage des deux peuples et sans inconvénient sensible dans l’application. Un autre exemple, survenu depuis lors, a montré la Russie et la Turquie limitant leurs forces et souscrivant à la neutralité d’une portion de leurs mers. Il dit enfin que cet arrangement, quel qu’il, fût, valait mieux que ce jeu puéril