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c’est que, les hostilités une fois ouvertes, les deux adversaires n’étaient pas en position de se rencontrer de si tôt. Le gouvernement de Buenos-Ayres fit envahir la province de Santa-Fé, mais sans poursuivre rien de décisif. De son côté, Urquiza tardait à se mettre en campagne ; il avait besoin de temps et de moyens qui lui manquaient d’abord pour conduire son armée de l’Entre-Rios sur la rive droite du fleuve. On entrait dans la saison d’hiver de ces contrées, et toute opération se trouvait enrayée. Trois mois se passèrent sans amener aucun événement sérieux ; tout au plus y avait-il quelques escarmouches. De part et d’autre, des escadrilles sillonnaient le fleuve. On s’observait et on se gênait mutuellement. Le fait est que, des deux côtés, à défaut d’une action militaire ajournée, on recourait à un moyen souvent employé dans ces contrées et dont Buenos-Ayres se servit avec succès, il y a quelques années, pour se délivrer d’un blocus par lequel Urquiza essayait de la réduire : chacune des deux parties essaya d’affaiblir l’autre par la captation et la corruption.

Cet intervalle de quelques mois laissé entre l’ouverture des hostilités et les opérations actives n’était point après tout sans avantage à un autre point de vue ; il permettait à des médiations désintéressées de se produire et de tenter, sous les auspices d’un arbitrage étranger, un rapprochement qui avait toujours échoué sous la forme d’une négociation directe. C’était vraiment la période des médiations : médiation des États-Unis, médiation au nom de la France, de l’Angleterre et du Brésil agissant en commun, médiation du Paraguay. La première en date fut celle du ministre des États-Unis, M. Yancey, et ce ne fut pas la plus heureuse. M. Yancey arriva à Buenos-Ayres au commencement de juillet 1859. Malheureusement, dès la première heure, on put voir de quelles difficultés épineuses se trouvait hérissée cette entreprise de pacification. L’embarras n’était pas de faire admettre le principe de l’intégrité nationale proposé par M. Yancey et que personne ne contestait ; mais d’abord Buenos-Ayres refusait formellement de souscrire à une suspension d’hostilités. En outre, elle répondait aux propositions de M. Yancey par des conditions au moins singulières, dont la plus difficile à faire accepter était l’abdication du chef actuel de la confédération et son éloignement de la vie publique pendant six ans, sans que cela impliquât au reste la réincorporation immédiate de la province séparée. C’était mettre la paix à des conditions impossibles et proposer un arrangement qui n’en était pas un ; M. Yancey ne manqua pas de le faire observer. L’opposition de Buenos-Ayres avait si visiblement pour mobile l’animosité personnelle à l’égard du chef de la confédération, que, par une dernière concession, M. Alsina consentait à faire représenter la