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LITTERATURE DRAMATIQUE

DECADENCE DU THEATRE

Notre siècle s’est habitué à porter le deuil de tant de choses qui semblaient indispensables autrefois à l’existence des nations, qu’il ne s’affligerait sans doute pas beaucoup si on lui annonçait qu’il doit préparer encore une fois ses vêtemens de couleur sombre et faire emplette de crêpes neufs. Il porte si légèrement et si gaiement ses chagrins, il se fait si vite à l’idée de ne plus voir ce qu’il a perdu, il donne si bien raison, par son oubli rapide de ce qu’il prétendait aimer, à ce triste proverbe : « Les absens ont tort, » qu’il n’éprouvera sans doute pas une bien grande peine à la nouvelle du profond malaise de la littérature dramatique. Il y a si longtemps qu’il suit son déclin, que cette nouvelle ne l’étonnera ni ne le troublera probablement pas beaucoup. Tout en effet semble annoncer que nous devons nous résigner à l’éclipse prochaine de la littérature dramatique. Et vraiment pour notre part nous nous résignons facilement, car rien n’est lamentable à voir et à entendre comme la pâleur livide, la démarche affaissée, la respiration courte et sifflante, les accès de toux de cette pauvre malade qui se traîne sans courage : mieux vaudrait la mort que le prolongement d’une si frêle existence.

Parmi les symptômes fâcheux pour notre avenir littéraire qu’il est trop aisé de recueillir aujourd’hui, nous n’en connaissons pas de plus frappant que cette situation de la littérature dramatique. Que la littérature d’imagination en général languisse ou soit enveloppée