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des écrivains français qui nous ont initiés avec la plus pénétrante sympathie au génie germanique : — Je me dispute avec moi-même, pourrait répondre aujourd’hui l’Allemagne, si pareille question lui était adressée. Le moment est-il bien choisi ? C’est à elle d’en juger. Nous ne pensons pas, malgré ce qui a été dit récemment, que le gouvernement français ait songé à intervenir dans ces débats. On a fait grand bruit de la discussion à laquelle les affaires du Slesvig ont donné lieu dans la seconde chambre prussienne. Le débat relatif au Slesvig a pourtant accusé moins violemment que la discussion sur la Hesse l’antagonisme de la Prusse contre la diète. Par l’amendement de M. de Blanckenbourg, qui a réclamé « le concert des alliés allemands pour les efforts que M. de Carlowitz demandait au gouvernement de faire en faveur du Slesvig, » la diète et les états allemands, qu’en avait honnis et bafoués peu de jours auparavant, ont été tout d’un coup replacés à leur rang d’alliés de la Prusse. On a généralement senti à Berlin que le Slesvig n’était pas un bon terrain pour attaquer les états secondaires et l’Autriche, car au gré des Allemands la Prusse n’a brillé ni en 1849 dans la guerre du Slesvig-Holstein, ni plus tard dans la négociation de la paix avec le Danemark. Ce sentiment a percé dans le discours publié, quoiqu’il n’ait pu être prononcé, d’un personnage qui était en 1849 même ministre des affaires étrangères, M. d’Arnim. Les récriminations de confédérés à confédérés avaient tout l’air de s’apaiser lorsqu’un ministre hanovrien, M. de Borries, a fourni au parti de Gotha des armes pour reconquérir une portion du terrain que lui avaient fait perdre en Allemagne les discussions de la chambre prussienne. En combattant l’hégémonie prussienne, pour laquelle l’association dite nationale fait une propagande fort active, surtout dans le Hanovre, ce ministre a dit en pleine chambre que les états secondaires et les petits états, plutôt que de se soumettre à une telle hégémonie, se ligueraient, et « pourraient même se voir forcés à chercher des alliances étrangères. » On sait l’émoi produit par cette déclaration ; elle a choqué en Allemagne beaucoup de libéraux qui ne sont nullement sympathiques aux tendances prussiennes. C’est ainsi que dans une protestation dirigée contre les paroles de M. de Borries et signée à Heidelberg le 6 mai par les chefs du parti de Gotha et de l’association nationale, on trouve le nom de H. de Gagern, l’ancien président du parlement de Francfort, et des ministres de l’empire allemand en 1848 et 1849. Or M. de Gagern, dans une lettre publiée il y a peu de mois, s’était énergiquement prononcé contre l’hégémonie prussienne, la Prusse ayant, suivant lui, trahi la confiance de la nation, en la retenant dans une stérile neutralité pendant les guerres d’Orient et d’Italie, au lieu de se placer du côté de l’Autriche. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus important dans cette protestation de Heidelberg, c’est que les coryphées du parti de Gotha, qui s’étaient soigneusement tenus jusqu’ici à l’écart de l’association nationale, viennent pour la première fois de se joindre aux chefs de cette association. Celle-ci, ainsi que le parti de Gotha, a saisi avec empressement les paroles prononcées par M. de Borries pour exhaler son