Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, malgré de très graves imperfections, a servi de point de départ à des travaux plus exacts et plus complets. M. Gruyer a publié récemment deux intéressantes études sur les fresques du Vatican, et nous avons sous les yeux la traduction de la vie de Raphaël par M. Passavant, ouvrage auquel l’auteur a consacré quarante ans d’études et de recherches, fruit d’une vie entière et d’une vie bien employée, un de ces livres qui restent classiques, que l’on peut corriger et améliorer, mais que l’on ne refait point. Cette édition française est elle-même en quelque sorte un livre nouveau[1]. M. Passavant en a surveillé la traduction et l’a enrichie d’une foule de renseignemens qui ne se trouvent pas dans la publication allemande, comme il a corrigé les erreurs qui lui avaient échappé dans son premier travail.


I

C’est à Urbino, au milieu de l’une des contrées les plus gracieuses des Apennins, entre les hauts sommets de ces Alpes italiennes et la mer Adriatique, que naquit Raphaël le vendredi saint 28 mars 1483. Son père, Giovanni Santi[2], appartenait à une famille de condition moyenne, moitié bourgeoise, moitié artiste. Parmi ses ancêtres se trouvent quatre peintres ; d’autres avaient rempli des fonctions publiques ou fait divers métiers : Giovanni lui-même était peintre et poète. On conserve au Vatican une chronique rimée qu’il écrivit en l’honneur du duc d’Urbin, Federico di Montifeltro, son protecteur. Ces vers ne sont pas sans mérite ; ils dénotent beaucoup de discernement et une rare indépendance d’esprit, car, bien que l’un des plus fervens adeptes de l’école ombrienne, Giovanni Santi parle avec enthousiasme d’André Mantegna, de Signorelli, et même de Léonard de Vinci, qu’il admire à l’égal du Pérugin.

Due giovin’ par d’etate e par d’amori,
Leonardo da Vinci e’ l Perusino
Pier della Pieve, que son’ divin pittori.

Vasari traite Giovanni Santi de peintre médiocre ; il se trompe. Je n’irai pas aussi loin que M. Waagen, qui fait du père de Raphaël presque l’égal de Pinturicchio et du Pérugin ; mais à en juger par ceux de ses ouvrages qui se trouvent encore à Urbin et dans les environs de cette ville, ainsi que par son Annonciation de la galerie

  1. 2 vol. in-8o librairie Renouard, Paris 1860.
  2. Dans ses lettres, Raphaël signe Rafaelo ou Rafaello da Urbino. Les actes seuls portent son nom de famille, Santo, ou de Sancto, ou Santi. En latin, on a dit Sanctius, d’où les Italiens ont fait Sanzio.