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l’importance à la dimension. Ce sont les premiers pas que fit sans lisières cet enfant de génie. Dans le Saint George surtout, le feu, la vivacité de l’action, la justesse des mouvemens, la beauté du cheval et du cavalier, l’harmonie des lignes générales, la délicatesse de la couleur, le charme du paysage, la vigueur, l’aisance, la grâce de toute la composition, font pressentir le style que Raphaël allait adopter, et ce n’est pas sans émotion que l’on considère dans cette œuvre juvénile et déjà parfaite le début d’une carrière qui devait aboutir aux Chambres du Vatican, aux Sibylles de la Pace et à la Transfiguration.

Quant à la part que Raphaël a prise aux travaux que le Pinturicchio exécuta de 1502 à 1506 à la bibliothèque de Sienne, elle est loin d’avoir l’importance que l’inexactitude de Vasari, exagérée encore par la tradition locale, lui a donnée. L’erreur du biographe arétin est manifeste. Il n’est pas même certain que Raphaël soit allé à Sienne dans les premières années du XVIe siècle, et si ce n’était son dessin de l’académie de Venise, d’après le groupe antique qui se trouve à la bibliothèque, et son tableau des Trois Grâces, qui en est évidemment inspiré, rien n’indiquerait qu’il ait fait dans cette ville un séjour que ses contemporains ne mentionnent pas. Les deux dessins du Sanzio, conservés l’un aux Offices de Florence, l’autre dans la collection Baldeschi à Pérouse, qui se rapportent certainement à la première et à la cinquième composition de la décoration de la bibliothèque, ne sont point dans la proportion des fresques, ce qui semble indiquer que Raphaël ne connaissait pas d’une manière exacte les dimensions des emplacemens pour lesquels ils devaient servir, et on est d’autant plus autorisé à croire qu’il ne fit pas ces dessins sur place, que les paysages qu’il mit dans les fonds de l’une au moins de ces compositions sont empruntés aux environs de Pérouse, et que Pinturicchio les a remplacés dans les peintures par des motifs pris à Sienne même. On sait d’ailleurs que le Pinturicchio s’était engagé par contrat vis-à-vis du cardinal Piccolomini à exécuter de sa main aussi bien les cartons que les peintures de ces grandes décorations. Agé de près de cinquante ans, à l’apogée de sa réputation, tenu avec raison pour l’un des maîtres de l’art, il ne paraît pas vraisemblable qu’il ait employé un jeune homme de vingt ans autrement que pour lui faire mettre au net une partie de ses esquisses, pour l’aider peut-être dans quelques détails d’exécution. Ces peintures présentent du reste des faiblesses de composition et des imperfections de dessin que le Sanzio eût évitées ; elles offrent en même temps une facture ferme et magistrale qui ne peut appartenir qu’à un talent sûr de lui-même. Pinturicchio, de quelques années seulement plus jeune que le Pérugin, n’était pas son élève, comme le pense Vasari ; mais il avait travaillé pour lui, et rencontré Raphaël dans son atelier. Il