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la nature des sujets qu’il traitait, devaient attirer Raphaël, qui avait sans doute apporté à Florence les convictions de son enfance, et la peinture austère et brillante du pieux moine était bien faite pour initier l’élève du Pérugin à la science florentine et lui permettre d’apprécier une école si différente de celle qu’il quittait. En même temps qu’il complétait ses études, il développait son esprit dans la société du savant Taddeo Taddei, qui l’avait reçu comme un fils, lui avait offert sa table et sa maison, et le mit plus tard en relation avec quelques-uns des hommes les plus distingués de l’Italie, entre autres avec Balthazar Castiglione, Bibiena et Pietro Bembo.

De 1504 à 1508, à part deux ou trois séjours de peu de durée qu’il fit à Pérouse, à Urbin et peut-être à Bologne, Raphaël ne quitta pas Florence, et c’est pendant ces quatre années que son talent, dont on peut suivre pas à pas le développement, arriva à sa pleine maturité. Pendant l’année 1505 cependant, il se borna à terminer quelques tableaux qu’il avait probablement ébauchés avant son départ et qui se ressentent encore du style du Pérugin. Je n’en citerai que deux mentionnés par Vasari : une Vierge avec saint Jean-Baptiste et saint Nicolas pour l’église des Servîtes, conservée aujourd’hui au château de Blenheim, et une autre Madone qui appartient, à l’exception des pièces du gradin qui ont été dispersées, au roi de Naples. Dans ce dernier tableau, commandé par les religieuses de Saint-Antoine de Padoue, la Vierge, entourée de saint Pierre et de saint Paul, de sainte Catherine d’Alexandrie et de sainte Marguerite, présente le petit Jésus qui bénit saint Jean, et qui, par suite de la volonté expresse des religieuses, est habillé. Le haut de la composition est occupé par un Père éternel adoré par deux anges et deux chérubins. Quelques parties de ces deux importans ouvrages sont entièrement péruginesques ; mais une plus grande correction de dessin, plus de vérité dans les attitudes, d’individualité dans les têtes, d’ampleur dans les draperies, plus de transparence, de profondeur et de vivacité dans le coloris montrent que les conseils de Fra Bartolomeo, l’étude de Masaccio, des antiques, peut-être même de quelques ouvrages de Léonard de Vinci, n’avaient pas été inutiles à Raphaël[1].

On rapporte à cette même année 1505 la Madonna del Granduca, qui, à en juger par le ton des chairs et des draperies, le dessin déjà ample et savant du corps de l’enfant, appartient bien évidemment à l’époque florentine, quoiqu’on y trouve, surtout dans la tête de la Vierge, des traces encore bien sensibles du style du Pérugin. C’est ce tableau qu’on regarde comme le dernier ouvrage qu’il fit sous

  1. Ce tableau peu connu est conservé dans les appartemens particuliers du roi de Naples. On le nomme à Naples la Vierge au baldaquin ; mais il n’a rien de commun avec le tableau du même nom du palais Pitti.