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dans les papiers de Balthazar Castiglione, et qui est bien certainement de Raphaël. Le bref de nomination le charge non-seulement, comme architecte en chef de Saint-Pierre, de « l’inspection générale de toutes les fouilles et découvertes de pierres et de marbres qui se feront dorénavant à Rome et dans une circonférence de dix milles, » afin qu’il achète « ce qui pourra convenir à la construction du nouveau temple, » mais lui donne mission de recueillir les inscriptions et les marbres antiques que Léon mettait alors beaucoup de zèle à rassembler au Vatican. « Comme il m’a été rapporté, lit-on dans cette pièce, que les marbriers emploient inconsidérément et taillent des marbres antiques sans égard aux inscriptions qui y sont gravées, et qui sont des monumens importans à conserver pour l’étude de l’érudition et de la langue latine, je fais défense à tous ceux de cette profession de scier ou de tailler aucune pierre écrite sans votre ordre ou votre permission, voulant, s’ils ne s’y conforment, qu’ils encourent la peine susdite (de 100 à 300 écus d’or). » Sa position officielle lui permit de voir l’un des premiers les peintures des thermes de Titus, et l’on sait avec quelle intelligence il les imita dans la décoration des Loges. Il ne se renferma pas du reste dans son rôle de conservateur. Les historiens contemporains assurent qu’il dessina et restitua la plupart des monumens antiques de la ville ; mais ces ouvrages périrent, à l’exception de quelques fragmens, lors du sac de Rome et des troubles qui le suivirent.

Les soucis d’une fortune prodigieuse troublèrent seuls ses dernières années. Ses nombreux travaux l’avaient enrichi[1], et Calcagnini le nomme vir prœdives. Il était gentilhomme de la chambre (cubicularius) ; il menait grand train et tenait à la liberté de sa vie d’artiste. Depuis bien des années, le cardinal Bibiena le pressait d’épouser sa nièce. Raphaël avait demandé trois ou quatre ans pour réfléchir, puis s’était engagé. Déjà en 1514 il écrivait à son oncle Simon Ciarla « qu’il remercie Dieu d’être encore garçon, qu’il croit avoir plus de raisons de refuser les offres qu’on lui a faites que son oncle n’en a de lui conseiller de se marier. » Il ajoute que « le cardinal Bibiena lui avait offert une de ses parentes, et qu’il lui a promis de l’épouser avec l’agrément de ses deux oncles. » Il mentionne également d’autres propositions de la même nature. Bibiena le sommait de tenir sa promesse ; mais d’un autre côté Léon X lui faisait espérer le chapeau de cardinal[2] aussitôt qu’il aurait achevé les salles du Vatican. Il devait de grosses sommes à Raphaël, et prétendait,

  1. Au moment de sa mort, Raphaël possédait 10,000 ducats d’or, c’est-à-dire près d’un million.
  2. Pungileoni révoque en doute cette histoire, rapportée par Vasari, et dit que Léon s’acquitta de tout ce qu’il devait à Raphaël.