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de quoi vivre honnêtement, et il partagea le reste de son bien entre Jules Romain, François Penni (il Fattore) et l’un de ses oncles qui était prêtre à Urbin. Il fut enterré, suivant sa volonté, dans une des chapelles du Panthéon, qu’il avait chargé Balthazar di Pescia, son exécuteur testamentaire, de faire réparer, et qu’il dota d’une rente dont resta grevée sa maison de la rue degli Coronari.

On a montré pendant longtemps, à l’académie de Saint-Luc, un crâne qu’on disait être celui de Raphaël, qui aurait été enlevé du caveau sépulcral lorsque Carle Maratte fit placer en 1674 le buste de l’Urbinate, sculpté par Nardini, dans l’une des niches qui se trouvent au-dessus de sa chapelle, à la Minerve. Ce crâne, objet d’une sorte de culte et que les peintres de Rome allaient visiter processionnellement et toucher le jour de la fête de saint Luc, était surtout remarquable par son exiguïté. Ce n’était point celui de Raphaël. Dans le courant de l’année 1833, on pratiqua des fouilles dans le soubassement de la statue de la Vierge dont Lorenzo Lotti avait décoré le tombeau de son maître. On trouva dans une voûte en brique, construite au niveau du sol, le squelette du grand artiste parfaitement intact. On lit dans une lettre adressée à M. Quatremère de Quincy par l’un des membres de la commission chargée de suivre l’enquête : « Le corps est bien proportionné ; il est haut de cinq pieds deux pouces trois lignes ; la tête bien conservée a toutes les dents, encore belles, au nombre de trente et une. La trente-deuxième, de la mâchoire inférieure à gauche, n’était pas encore sortie de l’alvéole. On revoit les linéamens exacts du portrait de l’École d’Athènes. Le cou était long, les bras et la poitrine délicats ; le creux marqué par l’apophyse du bras droit paraît avoir été une suite du grand exercice de ce bras dans la peinture[1]. » Cette description concorde parfaitement avec le portrait que Bellori trace de Raphaël : « Il était d’une complexion très grêle et délicate qui ne promettait pas une longue vie, car il avait le cou long et mal placé. Ces mauvaises dispositions physiques, la fatigue résultant d’études continuelles et son goût pour le plaisir durent abréger sa vie. » Du reste, les traits de Raphaël nous sont connus ; il s’est représenté dans plusieurs de ses ouvrages[2]. Son visage agréable et délicat est loin d’être régulier :

  1. « On a moulé ce crâne, dont il n’a été tiré que trois épreuves, l’une pour l’empereur d’Autriche, la deuxième pour le roi de Prusse, la troisième pour l’académie de Saint-Luc, où elle remplace le crâne du chanoine Antonini. On trouva également dans la tombe de Raphaël ses éperons d’or, et tout auprès l’épitaphe de Maria Bibiena. M. Horace Vernet, alors directeur de l’Académie de France, fit du tout une lithographie qui n’a pas été publiée. » Coindet, Histoire de la Peinture.
  2. Dans la Dispute du Saint-Sacrement avec le Pérugin les deux personnages mitres, dans le coin droit de l’École d’Athènes groupe de Zoroastre, dans le Parnasse le personnage qui se trouve près de Dante et de Virgile, dans le Porte-Croix de la fresque d’Attila. — Les Offices de Florence, l’académie de Saint-Luc à Rome ont aussi des portraits à l’huile de Raphaël, exécutés par lui-même. Voyez encore le dessin de Marc-Antoine, qui le représente assis, enveloppé d’un manteau, et avec une expression singulière de fatigue. Le regard est fixe et absorbé. Ce dessin doit représenter Raphaël pendant les dernières années de sa vie.