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et immuable lui impose d’un autre côté des obligations de même nature que celles de l’état. Cette situation complexe fait donc de l’intérêt communal un composé de deux intérêts, le particulier et le général, qui réclament l’un et l’autre une égale satisfaction. En n’écoutant que le premier, la commune trouverait avantage à exploiter ses forêts aux révolutions les plus courtes, à transformer ses futaies en taillis, souvent même à les défricher et à réaliser le capital qu’elles représentent ; mais elle ne pourrait le faire sans léser le second, qui lui interdit de spolier les générations futures d’une richesse qui lui a été transmise par les générations passées et dont elle n’est que dépositaire.

Ces données étant admises, on comprend que lorsqu’une forêt communale est en futaie, exploitée à une révolution normale, la commune ne doit sous aucun prétexte la transformer en taillis, ni diminuer par des coupes anticipées les ressources de l’avenir, et il est du devoir de l’état d’empêcher ces abus. S’il s’agit au contraire de forêts actuellement en taillis, il serait sans doute fort désirable de les convertir en futaie, puisque ce serait substituer à un traitement rudimentaire un mode de culture plus perfectionné et plus productif ; mais cette opération ne peut être effectuée que si la commune est assez riche pour supporter la réduction momentanée de revenu qui doit reconstituer le capital nécessaire, et c’est là malheureusement l’exception. Dans tous les cas, il serait inique d’imposer à la population actuelle, contre son gré, des sacrifices qui ne devraient profiter qu’à ses descendans. On n’en a pas toujours jugé ainsi, car à l’époque où l’on se croyait le droit de réglementer l’exploitation des forêts particulières, on faisait peu de cas de l’intérêt communal proprement dit, et on le sacrifiait sans pitié à l’intérêt général.

C’est ainsi que dès 1561 Charles IX, préoccupé de la disparition rapide des forêts du royaume, ordonna que le tiers des bois appartenant aux gens de mainmorte, bénéficiers et communautés, tant ecclésiastiques que laïques, serait mis en réserve pour croître en futaie. Un édit de 1573 réduisit au quart la contenance à réserver. La fameuse ordonnance de 1669 reproduisit cette disposition conservatrice, et c’est grâce à elle que la plupart des bois du clergé, qui en 1790 ont fait retour à l’état, présentaient des massifs de futaie souvent fort importans. Le code forestier de 1827, en prescrivant également la mise en réserve du quart des forêts communales, ne va pas cependant jusqu’à imposer aux communes, comme l’avait fait l’ordonnance de 1669, l’obligation de le laisser croître en futaie ; il les autorise au contraire à l’exploiter lorsqu’elles ont des besoins urgens à satisfaire, et qu’elles n’ont pas d’autre moyen d’y pourvoir. C’est là un acte de sage administration, qui, ne leur laissant