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Des partis si mal disposés pour l’Italie ne sont assurément pour rien dans les inquiétudes qu’inspirent à la France l’état présent de l’Italie et le reste. Convenons donc qu’à Turin comme à Tarbes le spectre de nos partis n’a été qu’une figure de la rhétorique politique de la dernière semaine, quelque chose comme ce fantôme de Voltaire et de Rousseau, auteurs de tous les maux du siècle, contre lequel s’agitaient autrefois dans les chaires catholiques les bonnets carrés des prédicateurs. Écartons des causes de l’inquiétude actuelle les partis, qui n’en peuvent mais ; recherchons-les sérieusement où elles sont.

M. Fould a trop d’esprit pour trouver mauvais que nous disions franchement notre pensée ; il connaît trop le fin des choses pour que nous n’ayons même pas le droit d’espérer qu’il est au fond de notre avis. Le malaise moral auquel la France est en proie provient de l’état de l’Europe tel que l’a déterminé ou révélé la dernière guerre d’Italie. La classe de notre société qui se montre en ce moment le plus accessible à la défiance n’est point celle que les partis recrutent ou dominent. Les journaux qui, par préméditation ou maladresse, attisent l’inquiétude générale, au lieu d’être les organes de ces partis dont on veut voir l’hostilité partout, font profession de dévouement et assaut de complaisances envers le pouvoir. Au contraire, le seul parti indépendant dont nos institutions actuelles impliquent et expliquent l’existence, le parti libéral, gémit de voir le pays distrait de son activité intérieure par les préoccupations extérieures, et serait trop heureux s’il pouvait, en le rassurant, ramener son attention du dehors sur le dedans. Enfin la confiance ne peut être rétablie par des paroles et par une simple attribution d’infaillibilité déférée au pouvoir : c’est une conviction qu’il s’agit de faire entrer dans les esprits, ce sont des démonstrations logiques qu’ils demandent, et c’est sur le caractère de ces démonstrations nécessaires qu’il devient urgent de s’entendre.

Nous supposons qu’on ne nous pressera pas d’insister sur le premier point. L’affaire d’Italie a été engagée et poursuivie de telle sorte que tout en Europe en a été ébranlé. Les vieux liens ont été brisés, l’équilibre sur la foi duquel on vivait a été rompu, une carrière indéfinie a été ouverte à l’action des états sur eux-mêmes et au travail des uns sur les autres. Une ère de politique extérieure a commencé, pleine d’inconnu, soumise aux chances les plus diverses et les plus incertaines, et où nous sommes engagés sans pouvoir nous guider encore sur la foi d’aucun système clair, intelligible, saisissant. De grands mots, qui ont la puissance d’agiter les cabinets et de faire tressaillir les peuples, ont été prononcés. On a parlé de principe de non-intervention et de principe des nationalités. La non-intervention, disait M. de Talleyrand, est une circonlocution diplomatique qui signifie intervention ; de même au cri des nationalités l’écho amoureux de l’antithèse a répondu « frontières naturelles. » Nous avons cessé d’être maîtres des conséquences logiques de nos actes ; il n’a pas été en notre pouvoir, même vic-