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sur les côtes du Groenland, où résonne le dernier écho des bruits qui nous sont familiers, puis dans les régions que parcourent seuls l’Esquimau et l’ours blanc. Ces vastes solitudes ne manquent ni de poésie ni de grandeur. Il semble qu’elles reposent de la fiévreuse agitation de nos mêlées humaines, et nous aurons à y saluer les noms d’hommes que n’entraînaient pas la soif de l’or et le désir des gains matériels : ils ont donné leur vie pour la satisfaction d’une noble curiosité, et c’était l’ambition d’être utiles qui soutenait leur courageuse persévérance.


I

Dans la seconde moitié d’avril 1857, le capitaine Mac-Clintock, qui se trouvait alors à Dublin, reçut de lady Franklin une dépêche télégraphique ainsi conçue : « Votre congé est obtenu ; j’ai acquis le Fox, les réparations vont commencer. » le petit bâtiment venait d’être mis entre les mains d’un constructeur d’Aberdeen, chargé de lui faire subir les transformations nécessaires au voyage qu’il allait entreprendre. Les vaisseaux envoyés vers les pôles revêtent quelque chose de la sombre physionomie de ces régions ; il faut que la force et la solidité y remplacent le luxe et l’élégance. Une armature de fer les protège, des traversés de bois et des poutres diagonales en fortifient les parois à l’intérieur ; les cabines et les chambres prennent les proportions les plus exiguës, afin de laisser plus de place aux magasins d’approvisionnemens ; la machine est plus forte, la chaudière plus large, et l’hélice de fer et non de cuivre. Le commandant s’occupa en même temps de rassembler un équipage. La nouvelle de l’expédition projetée avait excité un grand enthousiasme en Angleterre, et les offres de service affluaient de toutes parts. Le capitaine Mac-Clintock réunit vingt-cinq hommes, dont dix-sept avaient déjà navigué dans les mers arctiques. Son second, le lieutenant Hobson, appartenait comme lui à la marine royale, et un officier distingué de la marine marchande, le capitaine Allen Young, après avoir souscrit 500 livres en faveur de l’expédition, s’offrit comme maître voilier. Venaient encore un chirurgien naturaliste, le docteur Walker, un ingénieur M. Brand, puis le fameux interprète danois Carl Petersen, qui déjà, dans de précédentes expéditions, avait mis le capitaine Penny et le docteur Kane en communication avec les Esquimaux. On embarqua des vivres, de l’ale, des munitions pour vingt-huit mois ; l’amirauté donna sept mille livres de pemmican (c’est une préparation particulière de bœuf coupé en tranches très minces, desséché à un feu de bois et mêlé à un poids égal de graisse fondue). Elle fournit aussi les appareils à glace : ancres spéciales,