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peu de la vapeur. Sur le rivage, les tombes des deux hommes morts pendant ce dernier hiver avaient été soigneusement entretenues et semées des fleurs que fournit le pôle ; un cairn se dressait en un point remarquable, monument des explorations du Fox, sous lequel était déposée une relation de ses travaux et de ses découvertes ; enfin les lieux que l’on allait quitter, et qui désormais livreraient à nos cartes leur configuration précise, portaient, nobles témoignages de tant de fatigues et de persévérance, les noms des marins et de quelques-uns des plus zélés promoteurs de l’expédition : c’était le chenal Mac-Clintock, le cap Allen Young, la pointe Hobson, la baie Petersen, le mont Walker ; l’extrémité septentrionale de Boothia avait été appelée Murchison promontory en l’honneur du savant illustre et zélé qui préside la Société géographique de Londres, et un îlot du chenal Franklin, entre North-Sommerset et l’île du Prince-de-Galles, avait reçu le nom d’un de nos compatriotes qui s’est fait en France l’un des interprètes les plus, chaleureux de la douleur de lady Franklin, M. de La Roquette, alors vice-président de la Société géographique de Paris.

Cependant des hommes postés sur les hauteurs qui dominent le détroit de Bellot ne cessaient d’examiner la mer et d’étudier au loin la marche des glaces ; on voyait de grandes masses flottantes, et le large se libérait de ses entraves. Enfin, au commencement d’août, le port de glace où s’était engagé le Fox fit aussi sa débâcle ; mais ce ne fut pas sans danger : les glaçons entraînaient le petit bâtiment et menaçaient de le jeter sur les rochers de la côte ; il réussit à s’amarrer, et alla prendre un ancrage sûr, à l’autre bout du détroit de Bellot, au point appelé port Kennedy, où il s’était déjà arrêté en venant. Là il n’avait plus à attendre qu’un souffle favorable du sud-ouest. Ce vent libérateur se fit longtemps désirer : grave sujet d’inquiétude, car si l’on était contraint de passer dans les glaces un nouvel hiver, il faudrait réduire considérablement les rations de vivres. Par bonheur, cette dure perspective ne se réalisa point : aidé de sa vapeur, poussé par le vent, le Fox se mit à remonter le long de la côte orientale de North-Sommerset ; le 18 août, il entrait dans le détroit de Lancastre, et un mois plus tard, après avoir touché au Groenland, il franchissait le cap Farewell, dernière étape entre les régions solitaires qu’il avait glorieusement sillonnées et le monde vivant qu’il allait revoir.

Les résultats de l’expédition, nous les avons déjà résumés : témoignages directs du sort de Franklin, découvertes géographiques, observations scientifiques, collections de pierres et d’animaux, voilà ce que le Fox a rapporté. Nous voyons par l’itinéraire des navires Erebus et Terror que Franklin ne cherchait pas le passage nord-ouest