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La poésie ! Elle est tout simplement dans la vérité, dans l’expression fidèle de l’âme humaine et de tous ses mouvemens. La poésie contemporaine n’a eu dans ses commencemens un si merveilleux essor que parce qu’elle s’est rapprochée de la vérité et de la nature. C’est ce qui lui donna le charme tout-puissant de la vie et de l’originalité. En dehors de cette source, où se rajeunit perpétuellement l’imagination créatrice, il n’y a que l’originalité artificielle, obtenue par la bizarrerie violente, ou la répétition, l’imitation qui gagne, qui s’étend et se subdivise en imperceptibles nuances. Vous aurez les Fleurs du Mal ou ce pâle essaim de volumes qui disparaissent sans bruit dans un monde affairé. Ils n’ont pour eux qu’une chose, ces petits volumes dont l’existence est à peine soupçonnée le plus souvent ; ils expriment le besoin intime et permanent de poésie qui agite les âmes même quand l’inspiration générale d’un temps décline et se disperse comme les rayons brisés d’un faisceau lumineux. Ils représentent des rêves, des illusions et une bonne volonté qui ont du moins le mérite de n’avoir point l’intérêt pour mobile. Cette petite poésie ressemble toujours à une sorte de devoir de jeunesse. Malheureusement c’est tout, et en feuilletant les pages des Ombres de Poésie de M. Forneret, des Sillons et Débris de M. du Pontavice de Heussey, des Brumes et Soleils de M. Charles Varin, et bien d’autres encore, que de fois saisirez-vous au passage des thèmes, des images et des airs connus !

Un phénomène qu’il serait peut-être curieux de suivre dans cet ordre de compositions, ce serait le travail successif des influences poétiques prédominantes depuis près d’un demi-siècle. Chaque inspiration a eu son jour et s’est survécu pour ainsi dire à elle-même dans une multitude d’œuvres nées de son souffle. L’astre des Méditations a longtemps régné, et l’auteur des Feuilles d’Automne a eu toute une école dont les restes vivent encore, à laquelle il a livré quelques-uns de ses procédés sans lui communiquer sa puissance de vibration lyrique. Il y a eu des contrefaçons d’ïambes, et l’intimité familière des Consolations a laissé plus d’une trace. Aujourd’hui, dans ce travail d’influences qui ont fini par se mêler et se confondre, c’est après tout Alfred de Musset qui l’emporte. L’ombre de Rolla ne gagne pas des batailles, mais elle est partout visible. Le poète a disparu dans sa popularité. Lui, l’indiscipliné et le révolté de la ballade à la lune, il passe au rang de modèle classique, d’inspirateur de tous les vers nouveaux. Cette langue passionnée et cavalière qu’il faisait étinceler, chacun s’essaie à la parler. Quand M. Becq de Fouquières se hasarde à écrire ses Drames et Comédies, il fait de son mieux sans doute, et il arrive à quelque chose qui est un Spectacle dam un fauteuil diminué ; sa Comédie de la Mort n’est point